Bac, Parcoursup, enseignants : Gabriel Attal marche dans les pas de Jean-Michel Blanquer

dimanche 10 décembre 2023.
 

Le ministre de l’Éducation a annoncé ce jour en grande pompe un « choc des savoirs », une formule qui cache toute une série de mesures pour accélérer la sélection à tous les niveaux, avec pour résultat couru d’avance : l’exclusion toujours plus forte des élèves des classes populaires. Obligation d’avoir obtenu le brevet pour accéder au lycée, baisse du taux d’admission au brevet et au baccalauréat, fin de la liberté pédagogique : Gabriel Attal marche dans les pas de Jean-Michel Blanquer. L’objectif ? Exclure toujours plus les enfants des classes populaires de l’école, et constituer l’armée de réserve du capital, en assurant une main d’œuvre bon marché aux entreprises.

En juillet 2023, un rapport publié par l’Inspection Générale de l’Éducation dressait déjà un bilan très critique des réformes de l’Éducation nationale menées par Emmanuel Macron depuis 2017. Bac, Parcoursup, conditions de travail des enseignants, toutes les réformes avaient été épinglées par l’IGESR, un organisme dont on ne peut suspecter une quelconque animosité politique envers le gouvernement : tous les membres chargés de réaliser l’enquête sont nommés par lui. Les inspecteurs ont tenté d’édulcorer les points rouges du rapport en les recouvrant par des formules soignées.

Cependant, rien n’y fait. Le bilan est foncièrement mauvais et les annonces de Gabriel Attal faites ce jour ne vont rien n’y arranger. Passé inaperçu et ignoré délibérément par Emmanuel Macron et Gabriel Attal, ce rapport désavoue toute la politique du camp présidentiel en matière d’éducation. Notre article.

L’échec de Parcoursup et de la réforme du bac D’emblée, ce qui ressort du rapport est la réforme du baccalauréat : un chantier monté de toutes pièces pour asseoir l’installation de ParcourSup au sein de l’enseignement du second degré.

Sur le choix des spécialités au baccalauréat, on accorde une liberté des matières à un élève sans l’avertir que des formations rejetteront sa candidature s’il n’a pas choisi un parcours déterminé. En vérité, les élèves s’exposent au rejet d’office s’ils choisissent des spécialités impopulaires dans les algorithmes de ParcourSup. L’étalement des épreuves sur l’année associé au contrôle continu est une source d’anxiété récurrente, car le gouvernement s’amuse à changer les règles chaque année.

D’ailleurs, ParcourSup est un échec critique. Ou « très perfectible » comme dit le rapport maniant l’art de la formule. Le logiciel est critiqué pour son manque de transparence et son caractère injustement discriminant. Les algorithmes qui le composent ne sont pas accessibles aux candidats, ce qui rend impossible de savoir comment les élèves sont sélectionnés. Cette opacité permet à des critères socio-économiques et culturels de jouer un rôle crucial. Les lycéens sont contraints de se positionner sur un nombre limité de formations, conscients de la concurrence terrible qui s’installe entre eux.

Les conséquences de Parcoursup sont déjà visibles. De nombreux élèves, pourtant diplômés du baccalauréat, se voient refuser l’accès à l’enseignement supérieur. Certains doivent partir loin de chez eux pour étudier, tandis que d’autres doivent attendre plusieurs mois avant de pouvoir intégrer une formation qu’ils ne désirent pas.

Des réformes qui rassemblent contre elles Quant à l’avis des acteurs de la communauté pédagogique, rien ne va non plus. Les chefs d’établissements sont perplexes, les professeurs estiment pour une majorité que le système est erroné à la base, les élèves sont quant à eux anxieux à l’idée d’affronter l’année de Terminale.

Sans surprise, la réforme atteint son but : couper toujours plus l’accès aux études supérieures et envoyer le plus rapidement possible les jeunes des classes populaires sur le marché du travail. Dans le rapport, les étudiants, enseignants et directions des établissements déplorent unanimement que l’enseignement du second degré soit subordonné au processus de sélection d’accès à l’enseignement supérieur. Pour faire simple, toute l’année de Terminale s’aménage en fonction de ParcourSup. Comme évoqué dans le rapport, ce n’est pas l’engagement des personnels qui pose un problème mais l’incompréhension et l’inefficacité des réformes que le gouvernement s’entête à maintenir.

Malgré la variété des établissements visités, « l’appréhension » reste solide et s’accroît note le rapport.

Pour aller plus loin : Rentrée scolaire chaotique : +11% d’inflation sur les fournitures et 2 000 enfants sans logement

« On apprend les évolutions de la réforme dans la presse » : le fléau d’une instabilité pédagogique permanente La très grande majorité du personnel auditionné pointe une instabilité permanente provoquée par une communication tardive et une perte de sens consubstantielle des missions d’évaluation.

Le personnel auditionné insiste sur une charge de travail lourde dont une partie est pour eux imputable à une communication institutionnelle perçue comme « défaillante ». « On apprend les évolutions de la réforme dans la presse » a rapporté un enseignant aux inspecteurs. Par exemple, l’annonce de la banalisation de deux journées, les 16 et 17 mars, a été communiquée le 14 mars via Twitter. Les décisions sont au mieux confuses et tardives (report des épreuves de mars en 2022, programmes rectificatifs parus à l’automne 2022, etc.) au pire communiquées dans l’urgence.

Les équipes de direction rencontrées ont indiqué avoir fait leur maximum pour mettre en œuvre la réforme du baccalauréat et aménager l’organisation des épreuves malgré des dates « incohérentes ». Les enseignants sont impliqués pour préserver un climat aussi serein que possible avec leurs élèves malgré un agenda découpé par les épreuves étalées sur toute l’année.

Le début d’une fuite d’élèves vers le CNED Aussi, les inspecteurs relèvent une hausse des inscriptions pour motif de phobie scolaire au CNED (+32% au lycée) et corrèlent cette donnée à la pression induite du contrôle continu. En vérité, les élèves paient de leur santé mentale l’étalement des épreuves du baccalauréat sur l’année. La pression ne cesse d’empirer pour eux et se décuple lorsque la concurrence qu’implique ParcourSup s’installe. Le problème est si profond que le rapport invite à envisager une réglementation du CNED pour endiguer la fuite des élèves face à une situation scolaire trop stressante.

L’instabilité de l’enseignement du second degré engage une perte d’esprit collectif chez les enseignants. Peut-être est-ce l’objectif inavoué que s’était fixé le gouvernement au moment d’appliquer ses principes néolibéraux à l’éducation. Les injonctions successives et le manque de concertation auront eu raison de la santé mentale des acteurs de la communauté pédagogique.

Le rapport entre élèves n’a jamais aussi été mauvais. La solidarité est désormais écrasée par la concurrence. Ce rapport est donc contraint de dresser une défaillance généralisée. Innovation, fluidité, liberté… tant de concepts « modernes » invoqués pour en arriver à ce désastre. Le camp présidentiel porte une très lourde responsabilité sur l’avenir des futures générations.

Par Ilies D


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