Dans quelques mois, il est parfaitement possible que voit le jour un processus qui fasse renaître l’espoir qu’avait suscité l’union du 29 Mai 2005 (Christian Picquet, Courant UNIR de la LCR)

lundi 3 novembre 2008.
 

Lors du conseil national du 24 octobre, le PCF s’est prononcé, à une très large majorité de surcroît, en faveur de listes de rassemblement aux élections européennes de juin 2009.

Disons-le sans détours, voilà une excellente nouvelle. La résolution de la direction communiste part, en effet, du constat que le scrutin du printemps prochain se déroulera « dans un contexte sans précédent ». Elle ajoute, fort justement, que « trois ans et demi après le vote de rejet du projet de traité constitutionnel, le sentiment de révolte contre “ l’économie de marché ouverte où la concurrence est libre ” et la Banque centrale européenne n’a fait que s’exacerber, et la volonté de voir émerger un autre type d’“Europe” que s’affirmer ». Elle relève que rien n’est pour autant acquis : « Les opérations politico-médatiques qui s’annoncent, tout comme la perversité du mode de scrutin, ne joueront évidemment pas en faveur de la campagne citoyenne, large et sérieuse qu’appelle l’ambition que nous nourrissons de faire de ce scrutin un moment majeur du combat pour changer l’Europe. » Et de fixer un objectif que nous ne pouvons que partager : « Il s’agit de dégager quelques axes structurants, rompant avec les dispositions des traités que nous avons combattues en 2005, et dont l’expérience vient de confirmer la portée désastreuse : interdiction de toute entrave à la libre circulation des capitaux ; “concurrence libre et non faussée” ; libéralisation des services publics ; Pacte de stabilité rationnant les dépenses publiques et sociales ; statut, missions et politique monétaire de la Banque centrale européenne au service de la domination des marchés financiers… Ces axes doivent, plus généralement, dessiner les contours d’une vision alternative de la construction européenne… »

D’où cette conclusion : « Le Parti communiste français prend l’initiative de lancer un appel aux forces politiques et sociales, aux femmes et aux hommes représentatifs des courants politiques progressistes, comme du mouvement syndical, social et associatif, dans toute leur diversité, qui partagent de tels objectifs et se reconnaissent dans cette démarche. Il s’adressera dans la plus grande transparence aux interlocuteurs concernés : travaillons ensemble à favoriser auprès de nos concitoyennes et de nos concitoyens l’expression des convergences les plus larges autour de ces exigences de changements ! Travaillons ensemble à créer la dynamique politique de gauche qu’appelle aujourd’hui la situation faite à notre peuple et aux peuples en général ! »

Bien sûr, certaines formules pourraient encore évoquer la tentative d’un énième rassemblement autour du seul Parti communiste. Il en va ainsi de cette phrase qui stipule : « Ces convergences devraient se refléter tant dans des propositions communes audacieuses, dans des initiatives publiques, que dans la composition des listes – jusques et y compris dans le choix des têtes de listes. » Certes, il n’est pas anormal que le PCF souhaite retrouver ses élus de 2004 dans le cadre d’une dynamique unitaire qui le dépasserait largement, du moins faut-il le souhaiter. L’ambiguïté pourrait cependant être exploitée par tous ceux qui redoutent de voir une offre nouvelle venir perturber le jeu électoral traditionnel, dominé qu’il se trouve présentement par les tenants de la soumission au libéral-capitalisme. Reconnaissons néanmoins que la résolution du Parlement communiste en appelle simultanément à « des formes de consultation et de co-élaboration publiques de ces grands axes, en prise avec les luttes sociales, avec celles et ceux qui s’inscrivent dans ces objectifs, [qui] permettraient d’assurer leur meilleure adéquation aux attentes ». Voilà qui dessine une construction pluraliste, dont nous ne pouvons, là encore, qu’approuver chaleureusement l’intention, l’objectif étant bien « de créer les conditions de l’élection du maximum de député-e-s en faveur d’une réorientation profonde de la construction européenne ».

Ce texte infirme les annonces, généralement « bien intentionnées », qui nous prédisaient voilà encore peu que le PCF n’aurait d’autre possibilité que de s’allier au Parti socialiste s’il voulait sauver ses élus sortants. Surtout, il est bel et bien l’illustration que la conscience grandit, parmi les forces qui s’étaient retrouvées dans la campagne du « non » de gauche au traité constitutionnel européen, que seule une convergence large est de nature à apporter une réponse à la hauteur de la crise historique qu’affronte aujourd’hui le capitalisme et tous les projets transnationaux que les classes dirigeantes avaient mis en œuvre dans la période où elles croyaient encore que la domination sans partage des logiques marchandes et financières dessinaient une fin de l’histoire. J’ai eu l’occasion d’aborder cette dimension dans une précédente note de ce blog.

Une chance à ne pas laisser passer

À l’occasion de plusieurs de ses interventions, Jean-Luc Mélenchon avaient déjà souligné à quel point l’issue des congrès qui vont rythmer la vie de la gauche ces prochaines semaines (celui du Parti socialiste à la mi-novembre, celui du PCF un mois plus tard, ceux de la LCR et du NPA fin janvier, sans oublier l’assemblée générale des Verts) placerait chacun devant ses responsabilités pour aborder ce rendez-vous majeur. Le 11 octobre, la réunion nationale de l’appel de Politis allait dans le même sens, relevant qu’il « serait incompréhensible que les forces antilibérales, celles-là mêmes qui ont mené en commun la bataille victorieuse du référendum du 29 mai 2005, ne s’expriment pas en commun à l’occasion de cette échéance ». La rédaction de l’hebdomadaire a d’ailleurs été mandatée pour interpeller à cette fin les courants concernés.

Nous nous retrouvons donc à un moment crucial. Dans quelques mois, il est parfaitement possible que voit le jour un processus qui fasse renaître l’espoir qu’avait suscité l’union du 29 Mai. Il est parfaitement possible qu’une gauche digne de ce nom redonne des couleurs à une perspective européenne que les néolibéraux ont discréditée par leur politique de régression sociale et démocratique, ce qui suppose de remettre l’Europe au service de l’intérêt général, celui des peuples et des travailleurs, plutôt que de relayer, comme c’était le cas depuis quelques décennies, les intérêts particuliers d’une poignée d’actionnaires et de spéculateurs. Il est parfaitement possible que s’enclenche nationalement un processus pluraliste, à partir de cette « co-élaboration » dont parle la résolution communiste. Il est parfaitement possible que se multiplient, sur le terrain, des collectifs de campagne bénéficiant de l’apport de traditions politiques diverses autant que de l’expérience militantes de milliers et de milliers d’acteurs sociaux, de jeunes, d’hommes et de femmes soucieux de conjurer la catastrophe dont nous menace un système en pleine débâcle.

Nul ne saurait « ruser » avec une telle opportunité, ni se défausser au nom de telle ou telle contrainte du débat interne traversant toutes les formations de la gauche, et encore moins se saisir du premier prétexte venu pour refuser l’événement qui serait de nature à bouleverser le panorama politique du pays. Pour le dire autrement, chacun va devoir faire un choix déterminant. Les socialistes de gauche, qui ont avec nous conduit le combat pour mettre en échec le projet de Constitution libérale pour l’Europe et qui viennent de proposer que leur parti rompe avec la longue dérive responsable de tant de désastres dans le passé, ne peuvent pas ne pas se poser la question du prolongement de leur fidélité à des idéaux de gauche : peuvent-ils se retrouver demain sous le drapeau d’un Parti socialiste européen coresponsable d’une faillite aux conséquences catastrophiques pour le plus grand nombre ? Les communistes vont-ils maintenant, après avoir lancé leur appel, mettre toutes leurs forces au service de cette perspective d’unité, favoriser la confluence pluraliste si nécessaire, prendre les initiatives qui s’imposent ? Les Verts « nonistes » vont-ils aller jusqu’à sacrifier leur volonté de conjuguer urgence sociale et urgence écologique sur l’autel de l’opération politicienne dont Daniel Cohn-Bendit veut prendre la tête dans l’unique objectif de profiler, pour demain, des alliances s’étendant de la gauche au Modem ? La direction majoritaire de la LCR, et le NPA en constitution, peuvent-il rester silencieux ou, pire, insensibles à l’enjeu de la prochaine consultation, alors que notre famille politique fut des initiateurs de la campagne de 2005, permettant à celle-ci de prendre son essor victorieux ?

Pour notre part, la réponse sera dépourvue d’hésitations. Nous allons mettre toutes nos énergies au service d’une chance qu’il ne faut à aucun prix laisser passer après tant d’échecs subis depuis trois ans…


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