De l’extrême droite au fascisme. De la dédiabolisation à Dachau

jeudi 3 juin 2021.
 

A) De l’extrême droite au fascisme : exemple de l’Allemagne

Tout groupe d’extrême droite, fut-il royaliste, religieux, ésotérique, militaire ou prétendument républicain constitue l’embryon d’un fascisme, si l’occasion se présente, particulièrement si le grand patronat considère cette solution comme la meilleure pour casser la résistance des salariés afin de maintenir les marges de profit.

Voici l’exemple allemand de passage d’une organisation d’extrême droite, plus ou moins nombreuse, plus ou moins forte électoralement en un Etat fasciste.

Les groupes d’extrême droite se constituent souvent autour d’une forte personnalité. Tel est le cas en 1891 pour Alfred Hugenberg, fondateur de la Ligue pan-germanique (Alldeutscher Verband). Il s’agit d’une personnalité éminente dans les milieux patronaux de la finance et de la métallurgie (président du conseil d’administration de la branche financière du producteur d’armes Krupp AG, entre 1909 et 1918). Cette Ligue pan-germanique végète jusqu’au jour où la crise du pays pousse une partie significative des dirigeants économiques, politiques et militaires à miser sur l’extrême droite comme un moyen pour stopper la poussée des aspirations pacifistes, démocratiques et sociales.

Hugenberg lance en 1916 un conglomérat d’édition, de cinéma, de presse et de publicité qui lui permet de jouer un rôle décisif dans l’extrême droite allemande durant les années suivantes. En 1917, il participe à la création du Parti de la Patrie Allemande ( Deutschen Vaterlandspartei, DVLP puis DVP). Dans le même temps plusieurs autres organisations d’extrême droite (dont la société occultiste Thulé) constituent des bouillons de culture de nombreux futurs cadres du nazisme.

Fin 1918 et début 1919, vue la puissance des aspirations ouvrières autonomes, l’extrême droite allemande, aussi apte à jouer les caméléons que toutes les extrêmes droite, reste liée au grand patronat par ses dirigeants mais se dote d’une phraséologie "ouvrière" diffusée par son nouveau parti, le Parti ouvrier allemand (Deutsche Arbeiterpartei, DAP, qui deviendra le NSDAP).

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B) Le fascisme peut commencer par un programme faussement « social ». Cela termine toujours à Buchenwald

Ces jours-ci nous mesurons une fois de plus le fort rejet du « système » par des millions d’exploités, le carton rouge aux comportements politiques frelatés.

Le fascisme -appelons un facho un facho- cela peut commencer par un sourire convenu, un programme faussement « social », une victoire électorale, des frustrations populaires... Et nous savons que cela termine toujours à Buchenwald (pour faire court).

« Comment est-ce possible ? », « en France ? », entend-t-on de la part de beaucoup de ceux qui depuis trente ans ont fait et font joujou avec la « peste brune » pour qu’elle serve ensuite de « repoussoir », d’incitation au vote « utile », « au front républicain » derrière eux. Ils ont créé, en caressant les monstres, un climat haineux (« je suis », « tu hais »), asphyxiant, anxiogène, qui ajouté aux crimes terroristes, a chauffé à blanc une opinion publique déjà fragilisée. Ils ont, par calcul, mis en danger la République, « la gueuse », la République des Lumières, la République sociale, préférant le plus souvent la bonne « droite dure » au mouvement social, à la gauche de rupture. Celle-là il faut la désarmer, la réduire à tout prix, afin de boucher définitivement toute possibilité d’alternative systémique.

Ils sont nombreux ceux qui par intérêt, volonté et haine de classe, préfèrent les fachos aux prolos, au « Front Populaire », au « Frente crapular » comme ils disaient en Espagne en 36. La peste brune est toujours le fruit pourri du capitalisme en crise, l’une de ses bouées de sauvetage, sa « dernière ressource », son arme de destruction massive du mouvement populaire, de la « révolution sociale ». Ceux-là, les nouveaux collabos, comme les classes dominantes, considèrent toujours « ceux d’en bas », les « invisibles », comme une sorte de race inférieure. Chasser dans les marécages pestilentiels de l’extrême droite, reprendre son venin (dans l’espoir de l’assécher), en rajouter dans la surenchère sécuritaire et du mépris, de la peur, d’une prétendue « guerre des civilisations », cela peut faire dans l’immédiat gagner quelques voix, mais à terme rapproché cela entraîne le pire, les monstruosités. Et il n’y a pas de fascisme « à visage humain » !

Lorsque la crise brouille les repères, provoque une abyssale crise des valeurs, un rejet viscéral de la politique politicienne, voire de la politique tout court et des « politiques » (« on a tout essayé »), jouer avec de la dynamite peut provoquer une déflagration civilisationnelle.

La responsabilité écrasante de cette situation noire, très noire, très dangereuse, de ces relents des années 1930 et 1940, incombe fondamentalement aux partis de l’alternance, aux petits soldats du néo-social-ultra-libéralisme. L’histoire nous a appris qu’ils choisissent ou finissent tous par opter pour la gestion enthousiaste, naturelle, brutale ou soft, « loyale », du capitalisme. Et que seul un rapport des forces massif et déterminé peut en « tirer à gauche » quelques-uns, et surtout leurs électeurs. Il ne s’agit pas bien sûr de confondre le « clampin » de base qu’il faut regagner, mais qui en a légitimement ras-le-bol, qui met les pieds dans le plat, qui adhère à des « solutions » simplistes, liberticides, xénophobes, avec les dirigeants du « bi-tri-partisme ». Les appareils, eux, savent ce qu’ils font, et le font à dessein. Pour eux, un seul horizon possible : le capitalisme.

Ces jours-ci nous mesurons une fois de plus le fort rejet du « système » par des millions d’exploités, le carton rouge aux comportements politiques frelatés, l’allergie à l’aliénation de notre souveraineté nationale par l’actuelle construction européenne, l’attachement au « cadre national », le besoin de politique autrement, sans magouilles, sans manœuvres, sans revirements, sans carriérisme, sans opportunisme calculé, (faire ce que l’on dit et dire ce que l’on fait), l’urgence d’une politique éthique et d’un projet de société radical, mobilisateur. Politisons l’alternative, indiquons clairement le cap (socialisme, « écosocialisme », etc.), réinvestissons le rêve, l’utopie, le langage des luttes et la lutte des classes, le débat idéologique, ne lâchons pas (par suivisme ou volonté d’adaptation) sur nos valeurs, pour que revienne le plaisir de militer. Recréons du lien par des pratiques plus ouvertes, plus horizontales...

http://www.legrandsoir.info/la-pest...

Jean Ortiz

Pau


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