Dissolution de la LCR, création du NPA Interview et chat d’Alain Krivine. Articles du Monde et Libé. Européennes : le congrès du NPA pour un "accord durable" (7 articles)

mercredi 11 février 2009.
 

Les 6, 7 et 8 février, se tient le congrès fondateur du Nouveau Parti anticapitaliste, qui remplacera la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). Parmi les articles mis en ligne sur internet :

* 1) Européennes : le congrès du NPA pour un "accord durable" indépendant du PS

* 2) "Je suis ravi de dissoudre la LCR !" (interview d’Alain Krivine)

* 3) Chat d’Alain Krivine sur Le Monde.fr : On n’est pas contre aller dans un gouvernement... Le but c’est de répondre aux exigences du monde du travail.

4) "La "Ligue", une école qui a marqué la gauche" Article du Monde

5) "On assume une part d’utopie car la gauche ne nous fait plus rêver... On propose de faire un pôle anticapitaliste par le bas" (Libération)

6) "Front de gauche" aux européennes : les militants du NPA divisés (par AFP repris sur site du NPA)

7) 40 ans avec la LCR, coucou je suis toujours la ! C’est pas de la nostalgie, juste un coup de blues avant les prochains combats

1) Européennes : le congrès du NPA pour un "accord durable" indépendant du PS

Le Nouveau parti anticapitaliste s’est prononcé dimanche pour un "accord durable" avec "toutes les forces" qui se réclament de l’anticapitalisme, ne se limitant pas aux Européennes, avec pour condition une indépendance totale vis-à-vis du PS. Photo_1234097990612-1-0-225x149.jpg Le texte a été voté à 76% des quelque 600 délégués présents, au troisième et dernier jour du congrès fondateur du NPA d’Olivier Besancenot qui se tient à la Plaine-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).

Depuis plusieurs semaines, Parti communiste français (PCF) et Parti de Gauche (PG) de Jean-Luc Mélenchon pressent le NPA de rejoindre le "front de gauche" qu’ils ont scellé en novembre sur la base du "non de gauche" au Traité constitutionnel européen (2005).

Dans le texte voté par le congrès, le NPA appelle à "une unité qui ne soit pas un cartel électoral sans lendemain" et "ne se limite pas aux élections européennes mais s’étende aux régionales" (prévues en 2010).

2) "Je suis ravi de dissoudre la LCR !" (interview d’Alain Krivine)

Source : http://www.professionpolitique.info...

Comment la naissance du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) s’annonce-t-elle ?

9.000 personnes ont payé leur cotisation, alors même que le NPA n’est pas encore né : c’est très prometteur ! Et nous attirons des catégories que la LCR touchait peu : le secteur privé, les jeunes de banlieue, et beaucoup de jeunes, aussi, qui n’avaient jamais milité auparavant. Il y a aussi plus d’adhésions que prévu de gens qui viennent du PS. Venant du PCF, on l’avait prévu…

À titre personnel, vous qui en êtes le créateur, n’avez-vous pas un petit pincement au cœur de voir disparaître la Ligue ?

Non, au contraire, je suis ravi de dissoudre la LCR ! Je n’ai jamais été à genoux devant un sigle. Pour moi, la Ligue était un outil qui correspondait à une période particulière. Pour des buts identiques, nous allons construire un parti qui sera un outil bien plus large, bien plus populaire.

Pourquoi refusez-vous de partir aux côtés de Jean-Luc Mélenchon et du PCF aux élections européennes ?

Leur volonté est d’avoir des élus, c’est classique. Jean-Luc Mélenchon nous a envoyé une lettre pour nous dire que ses deux critères pour une alliance étaient de refuser le traité de Lisbonne et de ne pas aller dans le groupe PS au Parlement européen. Franchement, c’est insuffisant.

Quelles seraient vos conditions pour rejoindre ce "front de gauche" ?

Un accord sur nos revendications essentielles au plan national comme au plan européen, à savoir l’interdiction des licenciements boursiers, une augmentation conséquente du Smic, l’arrêt de toutes les privatisations, et le passage de certains secteurs clés en services publics européens : l’énergie, l’eau et le transport. La libre circulation des personnes, la régularisation et le droit de vote aux sans-papiers. En termes de stratégie, nous sommes contre toute participation à un exécutif aux côtés de sociaux-démocrates, ce qui n’est pas le cas de Jean-Luc Mélenchon ni du PCF.

Ne craignez-vous pas les conséquences d’un éclatement de la gauche de la gauche ?

Ce serait bien qu’il y ait moins d’organisations, mais c’est la conséquence de désaccords politiques, ou d’une confusion politique. L’éclatement n’est d’ailleurs pas si important : vous avez le PS, le PCF et le NPA, et puis au milieu, il y a ce qui reste des antilibéraux, qui ne veulent pas adhérer à une structure.

Vous avez eu connaissance de sondages qui vous donnent en tête à la gauche de la gauche…

Selon une étude commandée par Jean-Luc Mélenchon, une liste unitaire n’additionnerait pas les scores de chacun. Il y a une déperdition pour notre mouvement. Ce que révèle aussi cette étude, c’est que le PS passe devant tout le monde : Jean-Luc Mélenchon, qui espère passer devant le PS, se fait des illusions…

3) Chat d’Alain Krivine sur Le Monde.fr : On n’est pas contre aller dans un gouvernement... Le but c’est de répondre aux exigences du monde du travail.

lb : Qu’attendez-vous de l’interview de Nicolas Sarkozy ce soir ?

Alain Krivine : Moi, je n’attends rien de cet entretien. Sarkozy a joué la montre depuis son élection en laissant croire qu’il allait à chaque fois annoncer des bonnes nouvelles. Sa politique et ses méthodes sont connues. Il est directement le facteur du Medef, ce qui prouve qu’il n’y a pas que des bons facteurs. Et je crois qu’il ne faut plus attendre ses discours, mais agir comme on l’a fait le 29 janvier. On lui a imposé de stopper ses fameuses réformes. Et j’espère que c’est ce que vont faire les confédérations syndicales qui vont se réunir juste après son discours.

Jeancharl : Le NPA va-t-il abandonner toute référence au marxisme ?

Alain Krivine : Non, ça je ne crois pas. On n’abandonnera aucune référence qui semble utile au combat anti-capitaliste. Le marxisme en fait partie. On va garder tout ce qu’il y a de positif dans l’héritage trotskiste, libertaire ou communiste. Ce n’est pas un critère puisque même aujourd’hui des économistes ou des politiciens de droite se replongent dans le marxisme pour comprendre la crise.

Seb : Qu’est-ce qui vous distingue des autres partis d’extrême gauche comme le PCF, le PG ou encore Lutte ouvrière ?

Alain Krivine : Je crois que nous n’avons pas les mêmes divergences avec les uns ou les autres. Je crois que la frontière essentielle à gauche c’est entre ceux qui pensent qu’on peut réformer, humaniser le capitalisme, ou au besoin rompre avec lui par les élections seulement, et ceux qui pensent qu’il y a nécessité de renverser cette société essentiellement par les mobilisations. Pour les premiers, je fais allusion, avec des nuances, au PCF et à Mélenchon.

Et parmi les seconds, il y a nous et LO, on est dans le même camp. Ce qui nous sépare plus de LO, c’est leurs différentes tactiques : sectaire pour construire un nouveau parti et opportuniste dans les élections où ils se sont retrouvés avec la gauche aux municipales. Dans l’action, nous sommes pour rassembler toutes ces forces, et même le PS, face à Sarkozy et à sa politique. Ce qui est différent de construire un parti commun ou d’aller ensemble aux élections. C’est dans ce cadre que l’on vient de signer une deuxième déclaration commune de soutien aux grèves qui va de LO au PS en passant par les radicaux de gauche.

Maxmallium : A vouloir s’affranchir du passé trotskiste et réaliser une synthèse des courants anticapitalistes, le NPA ne risque-t-il pas de connaître les mêmes problèmes que le PS ?

Alain Krivine : D’abord il ne s’agit pas de s’affranchir du trotskisme, mais de garder ce qu’il y a de mieux dans son héritage. Par exemple l’idée de révolutionner la société, l’internationalisme. Par contre, la lutte antistalinienne n’est plus d’acualité. Il n’est pas question pour nous de faire un parti fourre-tout.

Stephanie : Pourquoi anti-capitaliste ? Etre contre le capitalisme est une chose mais que proposez-vous à la place ? Il me semble qu’il aurait fallu trouver un nom plus créatif. Pourquoi pas un nouveau nom pour un nouveau système politique ?

Alain Krivine : Le NPA n’aura pas à assumer l’héritage trotskiste qui n’est qu’un courant du mouvement révolutionnaire. Mais il se prononce nettement pour renverser la société capitaliste. C’est vrai qu’il ne faut pas être uniquement anti. Le NPA fait déjà une série de propositions positives. C’est notamment la force du discours de Besancenot, aussi bien en ce qui concerne les revendications immédiates, comme l’augmentation des salaires et des retraites de 300 euros et du smic de 400 euros net, ou de la création d’un pôle public des banques et du crédit sous contrôle des usagers...

Mais en même temps cela implique un changement de société où il faut s’attaquer à la propriété privée avec pour but, et ce sera une définition du socialisme, une autre répartition des richesses décidée et contrôlée par la population. Un exemple : on nous dit que les caisses sont vides, mais on trouve, on ne sait où, 300 milliards pour garantir les banques.

Quant au nom du parti, pour moi c’est de peu d’importance. LO est révolutionnaire et ce n’est pas dans son nom. Le Parti socialiste se dit socialiste et il ne l’est plus depuis longtemps. On choisira demain le nom qui fait le plus consensus.

Boris : Vous sentez-vous capables de gouverner la France en 2012 ? Comment concilier luttes et gouvernance ?

Alain Krivine : On n’est pas contre aller dans un gouvernement. Ce n’est pas un but en soi. Le but c’est de répondre aux exigences du monde du travail. Jusqu’à présent les principales réformes sociales en France, comme les congés payés, ont été obtenues par des grèves générales et pas par des élections. La garantie pour aller dans un gouvernement qui soit vraiment de gauche, c’est de s’appuyer sur une mobilisation générale de la population comme en 1968 et d’avoir des partenaires qui s’engagent sur un programme de rupture avec le capitalisme.

Sinon, à froid, comme l’ont fait le PCF et les Verts, c’est faire la politique de la droite et se discréditer. Et il n’est pas question qu’on le fasse.

Well : Ne serait-il pas mieux pour la France qui veut combattre la politique de M. Sarkozy que vous vous unissiez avec le Parti socialiste ?

Alain Krivine : La réponse c’est : dans l’action oui, je préfère voir le PS dans la rue que faire le guignol au Parlement en chantant La Marseillaise. Et je me félicite que le PS soit enfin venu à des réunions unitaires après les avoir boycottées. Mais cela ne signifie pas pour autant aller ensemble au gouvernement. Il a fallu la journée du 29 janvier pour les faire bouger un minimum.

Cerrumios : Quels sont les objectifs du NPA pour les élections européennes ?

Alain Krivine : D’abord définir un programme. Et ensuite le proposer à des alliés éventuels comme le PCF ou Mélenchon. Mais, pour nous, ce programme ne doit pas être spécifique aux européennes, mais être valable dans les luttes à toutes les élections et ne pas se cantonner à une simple tactique qui volerait en éclats après les européennes.

Et on connaît les points qui risquent d’achopper. Par exemple sur l’interdiction des licenciements, sur la remise en cause des privatisations, sur la création d’un service public européen pour tous les domaines essentiels de la vie (énergie, transport, eau, école...), sur l’écologie. Nous sommes pour l’interdiction des essais OGM en plein air. Pour la sortie du nucléaire, contre l’enfouissement des déchets, et pour les immigrés, le droit de vote, la régularisation et la libre-circulation en Europe que refusent les accords de Schengen. Enfin, nous sommes pour une nette prise de position contre toute participation aux éxécutifs avec le PS. Or, le PCF et Mélenchon soutiennent à fond le parti allemand Die Linke qui dirige Berlin avec le SPD, avec des conséquences désatreuses.

Martin : Pourquoi désespérer les électeurs de la vraie gauche en n’offrant pas une réelle perspective gouvernementale ?

Alain Krivine : Je crois que ce qui a désespéré les électeurs de gauche en France c’est justement d’avoir participé à des gouvernements de gauche qui ont fait une politique de droite. Et c’est ça que nous voulons ne pas refaire. Et pour redonner confiance à la gauche, il faut justement créer une gauche de combat qui n’accepte pas toutes les compromissions que la gauche fait quand elle est au gouvernement.

92 : Le NPA est-il écologiste ? Si oui, comment fera-t-il cohabiter des écolos avec des productivistes ? Et pour quel projet ?

Alain Krivine : Pour nous l’écologie est une dimension essentielle. Nos militants sont très actifs dans la lutte sur les OGM ou contre le nucléaire et l’installation des EPR. Mais l’écologie n’a de sens que si elle remet en cause la logique du profit de la société capitaliste. Un écologiste qui n’est pas anticapitaliste devient un manchot.

Gringostnz : Croyez-vous en la croissance économique, ce concept fétiche de la société capitaliste ? Faut-il vraiment "relancer" le consumérisme ?

Alain Krivine : C’est le débat que l’on a avec les camarades décroissants qui sont entrés au NPA, légitimement. On ne peut pas aujourd’hui dire qu’on est contre la croissance et la consommation de façon abrupte quand des millions de gens n’arrivent plus à consommer un minimum pour se nourrir et quand les entreprises ferment les unes après les autres.

Par contre, je suis d’accord avec eux quand ils expliquent que notre consommation est guidée par les capitalistes qui nous forcent à consommer quand on peut, ce qui n’est pas forcément utile mais leur ramène du fric.

Je préfère la formule : dans une vraie démocratie on doit pouvoir décider ce qu’on produit, qui produit, pourquoi on produit et qu’est-ce qu’on produit. Ce qui signifie décroissance pour certains produits, croissance pour d’autres. Par exemple, je suis pour la croissance des maisons à isolation. Ça permet une décroissance de l’utilisation de l’énergie.

Nada : Vous dites "s’appuyer sur une mobilisation générale". Mais qu’est-ce que cela veut dire exactement ? Jusqu’à une situation révolutionnaire ?

Alain Krivine : Dans un premier temps c’est refaire ce que l’on a fait en 1995 contre la loi Juppé sur la "Sécu". Le gouvernement ne recule pas devant une simple grève de 24 heures, aussi utile soit-elle. Et les salariés ne sont pas prêts à multiplier les 24 heures qui font perdre du salaire sans résultats.

D’où la nécessité d’une grève unitaire, générale, prolongée, rassemblant privé et public, Français et immigrés, sur quelques objectifs où on peut les forcer à reculer. C’est déjà le premier but : bloquer les réformes réactionnaires du gouvernement. Et après, si on a un mouvement d’ampleur, type 1968, on peut envisager bien sûr de poser le problème du pouvoir et de la société.

Julien : Pensez-vous que le concept de lutte armée est dépassé ?

Alain Krivine : Ça dépend où, ça dépend quand. En soi, personne ne peut être pour la violence armée. Nous sommes tous pour des mouvements pacifiques. Mais la violence vient toujours de la droite et des forces capitalistes. Les millions de gens qui meurent de faim, les millions de sidaïques qui meurent à cause des trusts pharmaceutiques qui refusent les génériques, les guerres actuelles pour le pétrole. Ce qui signifie que la violence armée ne peut être justifiée que comme une réaction défensive à ceux qui veulent remettre en cause les décisions et les volontés de la majorité. Elle peut se justifier aujourd’hui sous certaines dictatures, elle est justifiée pour les Palestiniens, elle l’a été parfaitement pour nos grands-parents résistants. Et là il n’y avait que les nazis pour les qualifier de terroristes.

Monsieur Raoul : Comment percevez vous les critiques qui ont été émises sur la participation de votre figure de proue, Olivier Besancenot, au média-circus, de Drucker, entre autres ?

Alain Krivine : Olivier Besancenot s’est plus fait connaître et apprécié par ses apparitions à la télévision que par la vente de notre hebdomadaire Rouge. Et malheureusement en France, si on veut s’adresser à des millions de gens, on est obligé de passer par ce genre d’émission, en y posant des conditions, ce que l’on a fait, c’est-à-dire la possibilité de faire passer un message en se faisant respecter, ou de faire parler, comme chez Drucker, des femmes salariées qui n’avaient jamais le droit à la parole. Notre unique souci c’est de faire entendre par la population nos propositions et notre message. Et le résultat est positif.

Steeve DREUX : On entend en permanence parler du "NPA d’Olivier Besancenot" ; pensez-vous qu’il s’agit d’un abus de langage, ou alors qu’Olivier Besancenot a réellement une emprise sur le NPA ?

Alain Krivine : C’est les deux. Il y a une personnalisation de la politique. Qui est malsaine parce qu’elle dépolitise les personnes. Mais, là encore, on en tient compte. Quand on fait une conférence de presse, quand Olivier est là, tous les médias sont là, quand il n’est pas là, il n’y a personne. Alors on en joue lucidement. En sachant que le NPA ce n’est pas uniquement Olivier, loin de là.

Il y a vingt ans, Olivier n’aurait pas connu cette percée, qui est donc liée à la nature du message qui aujourd’hui passe très bien, et bien sûr à la qualité du personnage que personne ne peut nier. On va s’efforcer au NPA de faire connaître d’autres porte-parole, mais malheureusement cela ne dépend pas que de nous.

Hnaillon : Pourquoi si peu de femmes dans votre équipe dirigeante ?

Alain Krivine : Mais parce que la presse n’a repéré que les hommes. Au bureau politique de la Ligue, moitié de femmes moitié d’hommes. Et ça sera le cas pour les 150 dirigeants du comité politique du NPA. Même s’il y a encore une minorité de femmes au NPA. La parité sera et est respectée dans toutes les directions.

LEMONDE.FR

4) "La "Ligue", une école qui a marqué la gauche" Article du Monde

Source : http://www.lemonde.fr

Quarante ans après sa fondation, la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) va disparaître, jeudi 5 février, lorsque ses militants voteront sa dissolution avant de se fondre dans le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA). "Une page se tourne, c’était un outil, on passe à autre chose", assure Alain Krivine, son porte-parole. Une page qui a marqué l’histoire de la gauche en France, bien au-delà des rangs de l’extrême gauche. La "Ligue", c’est une tradition politique, un savoir-faire et une mythologie qui a eu ses faits de gloire et ses héros.

C’est en 1966 qu’un petit groupe de militants exclus de l’Union des étudiants communistes puis du PCF crée la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR). Partis à quelque 150, ils sont emmenés par Alain Krivine, jeune professeur d’histoire, Daniel Bensaïd, étudiant à la fac de Nanterre, et Henri Weber, étudiant en philo. Ces trois-là ont entre 20 et 25 ans et viennent de rejoindre le Parti communiste internationaliste, section de la IVe Internationale, un groupuscule fidèle à Léon Trotski. Cette poignée d’agitateurs va se retrouver aux premières loges en Mai 68. Ils y mettront en pratique leur leitmotiv : pousser à la "grève générale" et à la "jonction avec la classe ouvrière". Daniel Bensaïd disputera alors la popularité dans le "mouvement" à Daniel Cohn-Bendit. Ses activités vaudront à la jeune organisation sa dissolution en juin 1968 et à Alain Krivine d’être emprisonné le temps d’un été. A l’automne, les jeunes révolutionnaires donnent naissance à la LCR et à son hebdomadaire Rouge.

Suivront alors ses années de hauts faits. La "Ligue" était partout où s’exprimait "le mouv’", entre le "candidat-soldat" Krivine à l’élection présidentielle de juin 1969 (1,1 % des voix), les comités de soldats - parce que "sous l’uniforme, on reste un travailleur" -, la contre-manifestation armée pour empêcher un meeting d’Ordre nouveau en juin 1973, puis les groupes femmes et les manifs homo... jusqu’à l’élection de François Mitterrand, en 1981, jugée "période prérévolutionnaire". Avec ses pseudonymes obligatoires, ses "écoles de formation" où s’enseignaient les rudiments de la révolution permanente, ses rendez-vous secondaires pour échapper aux filatures, la LCR séduisait du monde. Ses effectifs atteignaient péniblement les 2 000 en période faste, mais l’organisation a vu passer une bonne partie de ce que la jeunesse intellectuelle a pu produire de publicitaires, de journalistes, de profs de fac... et de politiques. Il n’est aujourd’hui pas un courant au PS qui ne compte ses "ex" : Henri Weber, mais aussi Julien Dray, François Rebsamen, Sophie Bouchet-Petersen, Laurence Rossignol, Gérard Filoche, David Assouline... " On n’a pas arrêté de construire les autres partis par procuration", remarque un ancien.

Jeudi 5 février, Rouge publiera son dernier numéro, une édition spéciale consacrée au nouveau parti. Les archives seront déposées à la BDIC, un livre de mémoire collective est prévu... Celui sur le NPA est déjà publié (L’Incroyable Histoire du Nouveau Parti anticapitaliste, de François Coustal, Demopolis, 14 euros). Toutes les traces publiques de la LCR auront disparu. "La Ligue a été dissoute deux fois par le pouvoir, en 1969 et en 1973. Cette fois-ci, c’est nous, et sans nostalgie !", rigole Alain Krivine.

Le constat est un peu osé car, dans l’organisation, la mutation n’est pas passée sans grincements. Départs sur la pointe des pieds, claquements de porte ou batailles d’amendement dans les congrès locaux pour tenter de maintenir - un peu - ce qui fut l’identité de la LCR... ils sont nombreux chez les anciens, ceux qui ne digèrent pas de voir "brader l’orga en quelques heures". "Fermer une boutique qui a quarante ans d’âge demande plus de soin", critique Christian Picquet, représentant de la minorité. Olivier Besancenot n’en a cure. Il a déjà adopté le slogan de ses aînés : "Ne te retourne pas camarade, le vieux monde est derrière toi."

S. Z.

Article paru dans l’édition du 01.02.09.

5) "On assume une part d’utopie car la gauche ne nous fait plus rêver... On propose de faire un pôle anticapitaliste par le bas" (Libération 5 février)

Qu’attendez-vous de l’intervention télévisée, ce soir, de Nicolas Sarkozy ?

Nicolas Sarkozy défend les intérêts de sa classe. Ses plans de relance concernent 7 % de privilégiés alors qu’il a été élu par 53 % de la population. Ses mesures injustes accélèrent trente ans de politique libérale, pourtant à l’origine de la crise économique ! Mais le piège serait de se focaliser sur le style Sarkozy. C’est le pouvoir politique tout entier qui se durcit. Depuis plusieurs mois, il criminalise le mouvement social, réprime à tour de bras. Ce qui inquiète le gouvernement, c’est que la crise économique du capitalisme ne se traduit pas par un abattement généralisé. D’où sa volte-face sur la réforme des lycées, par peur du syndrome grec, de l’embrasement de la jeunesse. Il y a un climat de mobilisation sociale et le mouvement 29 janvier, extrêmement massif, appelle à des suites.

Vous allez enterrer aujourd’hui la LCR. A quoi servira le NPA ?

On propose de faire un pôle anticapitaliste par le bas. La gauche radicale, depuis plus de dix-sept ans, a cherché à se fédérer par en haut pour faire un cartel unitaire d’organisations existantes, comme l’hypothétique candidature unitaire à la présidentielle après le référendum de 2005. A chaque tentative, l’histoire des uns et des autres a parasité la dynamique de rassemblement. On a conscience de ne pas être le nouvel horizon politique indépassable et, pour nous, un outil politique n’est pas une fin en soi. On veut d’abord offrir une nouvelle représentation politique à ceux qui appartiennent à la nouvelle génération militante, qui n’avait pas de parti jusqu’à présent et qui en veut un.

A quoi ressemble la société rêvée du NPA ?

Ce serait un modèle où la majorité déciderait de contrôler et de s’approprier les richesses. On ne parle pas seulement de mieux les répartir, on pose la question de la propriété. Aujourd’hui, le fruit du travail de tous est accaparé par une minorité, on veut faire en sorte qu’il revienne à tous. Le capitalisme a été capable de distiller dans les esprits ce venin qui consiste à mettre sur un pied d’égalité la propriété privée à usage personnel - la voiture, la maison - et la propriété des grands moyens de production. Le vol, pour nous, c’est de voir les richesses produites par le travail de tous accaparées par les multinationales et les grands trusts. On veut confronter notre réflexion à la lumière d’expériences pratiques, notamment en Amérique latine avec le Venezuela, Cuba, la Bolivie ou le zapatisme au Mexique. La société idéale n’existe pas. On assume une part d’utopie comme un renvoi d’ascenseur à la gauche qui ne nous fait plus rêver.

Ségolène Royal a dit vouloir réconcilier la gauche de gouvernement, le mouvement social et l’extrême gauche. Vous êtes partant ?

Pour se réconcilier dans les luttes et dans les mobilisations sociales, il n’y a pas de problème. S’y retrouver avec le PS serait déjà pas mal ! Mais sur des propositions alternatives, non. Entre un programme qui propose de rompre avec l’économie de marché et un autre qui s’inscrit dans son cadre, il y a des divergences politiques importantes. Tout ce que nous préconisons - comme l’instauration d’un seul et même service public bancaire ou la levée immédiate du secret bancaire, commercial et industriel - est contradictoire avec l’économie de marché, à laquelle la déclaration de principe du PS s’est ralliée.

Le PS a défilé le 29 janvier. Vous fait-il de l’ombre ?

Je trouve positif que les socialistes soient dans la rue, c’est leur place. Il n’y a pas de place pour les querelles de chapelle et le sectarisme quand il y a des mobilisations sociales d’ampleur.

Vous prônez l’unité des luttes mais vous traînez des pieds sur la proposition de Jean-Luc Mélenchon de créer un front de gauche aux européennes…

Qui peut imaginer que le débouché immédiat du 29 janvier soit les élections européennes ?

Ce serait hallucinant. Pour les élections, nous proposons de fédérer les forces anticapitalistes qui sont prêtes à assumer leur indépendance totale vis-à-vis de la direction du PS. Vouloir faire un bon coup électoral, s’il s’agit ensuite pour certains de retourner dans le giron du PS aux élections suivantes, n’aurait pas de sens.

Mélenchon a tout de même quitté le PS…

Tant mieux. Cela prouve que ce parti n’est pas réformable et cela tire le paysage politique vers la gauche.

Misez-vous, lors des européennes, sur un vote sanction porté par le mouvement social ?

Cette élection arrive alors que le capitalisme est en crise. Et on ne boude pas les échéances électorales. Mais faire un score à deux chiffres ne définit pas une orientation. Et dire qu’on va écraser le PS aux prochaines élections n’est pas un objectif en soi. La question est : qu’est-ce qui peut naître à gauche pour donner un débouché politique durable aux résistances sociales ? Un front anticapitaliste, lui, n’ira pas mourir dans une nouvelle version de la gauche plurielle.

Avez-vous peur du pouvoir ?

Pour nous, la question stratégique, c’est prendre le pouvoir sans se faire prendre par le pouvoir. Car, dans le cadre actuel, c’est le pouvoir économique qui tire les ficelles. Tous ceux qui à gauche ont mis les mains dans le cambouis des institutions actuelles ont fini par faire des politiques de droite.

A force de refuser toute alliance, ne risquez-vous pas de faire gagner la droite ?

Agiter le vieux chiffon rouge de la division de la gauche, c’est un peu éculé. Nous ne sommes les marionnettes de personne. Dans les faits, ceux qui à gauche font le jeu de la droite sont ceux qui trouvent toujours des excuses pour ne pas aller au carton face à la politique de Sarkozy.

Dans les cités, l’anticapitalisme, c’est vendeur ?

Anticapitaliste, ça peut se traduire par « niquer le système ». Pour les jeunes des quartiers, l’idée que celui-ci est à bout de souffle, qu’il amène ces discriminations sociales et raciales, peut être un moteur pour entrer au NPA.

Recueilli par MATTHIEU ÉCOIFFIER et PASCAL VIROT

6) "Front de gauche" aux européennes : les militants du NPA divisés

LA PLAINE-SAINT-DENIS (Seine-Saint-Denis), 6 fév 2009 (AFP) - Les militants du Nouveau parti anticapitaliste, en cours de création à la Plaine Saint-Denis, sont divisés sur la question d’un "front de gauche" avec le PCF et le Parti de Gauche (PG) pour les européennes.

Si la plupart ne croient pas à la pertinence d’un tel "front", une minorité grandissante pousse pour que le NPA s’y rallie.

Malgré les appels répétés du PCF et du PG, Olivier Besancenot (NPA) a plusieurs fois affirmé qu’il n’était "pas d’accord" pour un "bon coup électoral" aux européennes de juin, défendant un "front durable" basé sur une indépendance totale vis-à-vis du Parti socialiste. Ne voulant pas faire du NPA "une boutique électoraliste", il appelle à des "débats de fond".

Parmi les 9.100 militants du NPA, anciens de la LCR dissoute jeudi ou tout nouveaux adhérents, cette ligne politique est majoritaire. Le jeune Charlie qui se dit "proche de la LCR depuis cinq ans", demande des "clarifications politiques" aux "partenaires potentiels". "On sait bien que le PCF s’alliera au PS aux régionales (2010)" pour "sauver ses élus", assure-t-il. Et puis au PG, "ils viennent presque tous du PS, les fruits ne tombent jamais loin de l’arbre", dit-il à propos de la formation de Jean-Luc Mélenchon.

Alors qu’on sondage commandé par le PG crédite un hypothétique "front commun" de 14,5% des voix, Alain Pilnière, qui a quitté le PS en 2003 avant d’être "orphelin" de parti jusqu’au NPA, estime que "le PCF aimerait qu’on soit avec eux à cause de notre potentiel de voix", mais au fond "ils n’adhèreront pas à notre socle, que ce soit sur l’interdiction des licenciements ou sur l’anticapitalisme". A 50 ans, Franck Mousset (LCR-NPA) est "sceptique" : "on a vu ce que ça a donné en 2007", avec l’échec de la candidature unique antilibérale à la présidentielle. "Si c’est pour s’allier avec des vrais anticapitalistes, pourquoi pas", mais il ne croit "pas trop" que ce soit le cas du "front" d’aujourd’hui.

De son côté, la minorité de la LCR favorable au front et emmenée par Christian Picquet se réjouit de l’arrivée de nouveaux militants au NPA, avec qui "l’aspiration unitaire gagne en influence". Selon M. Picquet, si 13 à 15% des adhérents de la LCR étaient favorables au front commun, le chiffre devrait grimper à 25% parmi les militants du NPA. Un refus du front serait "un désastre politique", argue-t-il. Julien Vicaine, qui avait rejoint la LCR quelques mois avant le "non" au Traité européen en 2005, pense que le NPA, "à la pointe des luttes", "ne peut pas prendre la responsabilité de tourner le dos au rassemblement". Ce serait un "non-sens" alors que "l’action unitaire dans le champ social et politique" a permis la mobilisation d’ampleur du 29 janvier. "Sur le fond, on n’a pas de désaccord", analyse France Coumian, 32 ans, récente adhérente au NPA. Elle dit craindre des "arguments de mauvaise foi" de M. Besancenot et des siens. "J’ai du mal à comprendre ce qui bloque", dit-elle, trouvant "nul" d’avoir "toujours quatre ou cinq candidats à la gauche de la gauche". Catherine Jouanneau, une "ancienne" du PCF aujourd’hui au NPA, "ne comprend pas" non plus. Si le congrès ne se prononce pas pour le "front de gauche" samedi lors du vote, "ça peut poser la question de mon engagement au NPA", dit-elle

7) 40 ans avec la LCR, coucou je suis toujours la ! C’est pas de la nostalgie, juste un coup de blues avant les prochains combats

Source : Bellaciao par Yves Juin Ex dirigeant de la LCR Rennes

Aujourd’hui est un jour historique, certainement pas à cause de la prestation télévisée du président, ni même a cause de toutes ces manifestations de rues de ce jour.

Non, aujourd’hui 5 février 2009 mon organisation la LCR, doit se dissoudre J’en suis membre depuis 1977, et je la côtoie depuis 1971.

Je pensais que cela allait me laisser de marbre, foi d’ancien gauchiste boutonneux et sérieusement blindé par les luttes minoritaires, les castagnes avec les fachos, avec les staliniens de Moscou ou de Pékin , comme on disait ; sans compter les joutes politiques ou syndicales avec les sociodémocrates (ou libéraux) du Ps. Non je pensais que cette dissolution n’allait pas me toucher.

Et bien fichtre non ! En enfourchant mon vélo pour aller au taf ce matin, après avoir écouté Olivier Besancenot sur Fance-Inter, je me suis laissé envahir par l’émotion.

Et pourtant l’aventure du nouveau parti anticapitaliste me branche, elle est prometteuse excitante même à mon age .

Mais comment ne pas se remémorer tous ces hommes et femmes avec qui j’ai milité et qui ont compté pour la ligue, pour le mouvement social et pour moi perso pendant prêt de 40 ans .

Je n’ai pas compté le nombre de ces copains et de copines que j’ai vu passer pendant ces années. Certainement plusieurs centaines sur Rennes. Il y en a qui sont devenus éditorialiste à Ouest-France d’autre, directeur d’agence d’urbanisme, vice présidente d ’ Université , médecins ou encore directeur général de services territoriaux etc…Je ne vais pas tous les citer. La très grande majorité n’a pas trahi les idées pour lesquelles on s’est battu ensemble : pour l’ antimilitarisme, le féminisme, la solidarité avec les peuples opprimés, l’écologie, contre l’homophobie, avec les chômeurs et les précaires, pour un syndicalisme unitaire démocratique et radical. … D’aucuns ont pu certes avoir des pratiques d’un autre age et d’autres glisser sur la pente du politiquement correcte. Certains ont aussi choisi le suicide dans les années 70, ne voyant plus d’issue à leur soif d’idéal…

. Ils/elles ont pris pour la plupart d’autres chemins que le mien. Certains ont eu de "bonne carrière" . Ce ne fut pas mon cas mais je ne le regrette pas.

J’ai survécu politiquement a beaucoup de sarcasmes, de moqueries, de coups bas de toutes sortes,. Le combat politique est impitoyable, surtout quand on est petit et gênant Ce fut le cas de la LCR.. Finalement je suis assez fier de tout ça …Qui ne constate pas aujourd’hui que le capitalisme est une monstruosité pour l’Humanité. Ca fait 40 ans que je le dis et que je me bats. Il n’est pas trop tard pour s’engager. Qui m’aime me suive dans le NPA maintenant

Avec de vieux copains nous allons organiser une grande braderie/brocante : bourse d’échange de documents de la ligue sur le théme " Rien ne doit disparaître" il s’agit bien sur de la ligue Tous les ex seront invités …


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