Textes précédents :
Jaurès, république, république sociale et socialisme
Le 19ème siècle voit le "parti républicain" mener les combats pour faire aboutir les promesses de la Révolution. Ce combat, loin d’être linéaire, aboutit à ce que certains appellent la "synthèse républicaine" (Claude Nicolet) avec la stabilisation de la IIIème République à la fin du siècle, qui constitue une sorte de compromis social instable.
Ce n’est pas le lieu ici de faire cette histoire ; aussi retenons ce qu’ont été les axes principaux de ce combat républicain :
* Abolition des régimes politiques monarchiques et de la puissance des castes aristocratiques réactionnaires, par exemple l’Armée qui a été au centre de l’affaire Dreyfus
* Généralisation du suffrage universel comme condition d’une véritable république, ce qui suppose l’abandon d’une république aristocratique pour une république démocratique et on sait que ce combat pour le suffrage universel n’a triomphé qu’au 20è siècle.
* Généralisation de l’instruction obligatoire, laïque et gratuite pour toute la population, ce qui constitue une condition d’un exercice démocratique du suffrage universel et une protection contre la démagogie plébiscitaire dont l’exercice bonapartiste avait instruit les républicains
* Instauration de la laïcité de l’Etat et de l’école, comme pierre angulaire de la République, car un régime dominé par la recherche du bien commun, de l’intérêt général, doit à la fois assurer la liberté de conscience de chacun et faire que l’Etat soit totalement séparé de toutes les églises.
Mais la République est confrontée à deux questions nouvelles qui vont introduire une division importante dans ses rangs : la question nationale et la question sociale.
Quelques mots sur la question nationale
La renaissance républicaine au 19è siècle après l’Empire et la Restauration se fait en 1848 avec le printemps de peuples dans l’éveil des Nationalités contre les puissances impériales.
Le projet républicain en Europe, avec des figures célèbres comme l’italien Mazzini par exemple, prend en charge l’indépendance nationale et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Le legs de la Révolution française traverse l’Europe pour exiger des nations libres, donc républicaines, et dès lors le patriotisme est républicain. Dans la lignée de ce qu’avait imaginé Kant, le philosophe des Lumières allemandes, l’universalisme républicain s’exprime à travers la perspective d’Etats-Unis d’Europe, mot d’ordre que Victor Hugo rendra célèbre.
Cependant, ce patriotisme républicain universaliste va vite buter sur les rivalités inter-impérialistes, qui marquent l’expansion du capitalisme à la fin du 19è siècle ; le nationalisme va devenir une gangrène mortelle pour la République que manifestera avec netteté la boucherie de la guerre de 14-18.
Le nationalisme conquérant des "républicains" de 1914, faisant l’union sacrée avec le nationalisme réactionnaire et conservateur, n’a plus rien à voir avec le patriotisme républicain universaliste, né à Valmy en 1792. Cette revue aura l’occasion de revenir sur les problèmes actuels posés par la question nationale pour les socialistes et les républicains.
C’est la question sociale qui met le plus profondément à l’épreuve le combat républicain.
B) Le mouvement républicain du 19ème siècle, importance, combats et implantation (Jacques Serieys)
B1) Le 19ème est le siècle du républicanisme
Oui, le 19ème est le siècle du républicanisme :
Pour la France lors des révolutions de 1830, 1848 et 1871, par les gouvernements républicains de 1876 à 1905, grâce à un mouvement de masse fort de petits groupes en 1816 et de comités républicains puissants sur tout le territoire à la fin du siècle.
Pour l’Amérique du Sud avec Simón Bolívar en particulier
Pour l’Italie avec Garibaldi, la République de Rome, les carbonara
Pour l’Espagne, etc
Aussi, il n’est pas possible de définir l’idée républicaine comme le républicanisme sans référence aux principaux combats des "républicains" durant le 19ème siècle :
suffrage universel pour élire les conseillers municipaux, conseillers d’arrondissement, conseillers généraux, députés.
laïcité de l’Etat et de ses administrations
instruction gratuite, laïque et obligatoire
citoyenneté active
B2) Quelques liens
Plutôt que d’écrire un texte trop long voici des articles que j’ai déjà mis en ligne sur ce site concernant les républicains français jusqu’en 1905,
- sur quelques décisions significatives :
25 février 1848 : Première proclamation du droit au travail
6 juillet 1880 Le 14 juillet devient jour de fête nationale
16 juin 1881 : L’école devient gratuite
Liberté de la presse : de la grande loi de 1881 à aujourd’hui
- sur quelques personnalités symboliques :
Évariste Galois, mathématicien, étoile de l’épopée républicaine révolutionnaire française
28 février 1848 : Ange Guépin devient commissaire du gouvernement provisoire à Nantes
- sur quelques gouvernements républicains :
22 juin 1899 Waldeck-Rousseau et la gauche républicaine au gouvernement
7 juin 1902 Gouvernement Combes de Bloc des gauches
- sur quelques épisodes importants :
3 décembre 1851, le député Alphonse Baudin est tué par l’armée
De Valmy au soulèvement du Var le 5 décembre 1851 : la République au coeur !
4 septembre 1870 : La République est proclamée
L’Affaire Dreyfus éclate publiquement au cours du procès d’Emile Zola (7 au 22 février 1898)
La loi de 1905 Une loi perfectible : le modèle républicain comme boussole
- sur la laïcité :
De la Révolution française à aujourd’hui, en passant par la loi de 1905, le combat laïque continue
- sur quelques textes programmatiques de référence :
15 mai 1869 : le programme républicain de Belleville
sur quelques aspects noirs de cette république bourgeoise qui n’invalident pas le projet de république sociale :
Sfax (Tunisie) écrasé par l’armée française le 16 juillet 1881 pour satisfaire les banquiers
20 novembre 1892 : le scandale de Panama éclabousse la république bourgeoise
Le patronat français au coeur de la 3ème république (28 novembre 1910 1er août 1914)
B3) Le républicanisme du 19ème siècle face au cléricalisme hyper-réactionnaire
De 1792 (proclamation de la République par la Révolution française) à 1905 (loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat), le mouvement républicain n’a cessé de lutter contre les forces réactionnaires largement héritières et promotrices du royalisme. Au 20ème siècle, la gauche ne parviendra jamais à mobiliser durablement une part importante de la population commune par commune comme le républicanisme du 19ème. L’opposition au cléricalisme constitua le ferment permanent et principal de ces rassemblements locaux.
Rappelons tout d’abord que l’Eglise catholique a constitué l’appareil idéologique omniprésent de la féodalité médiévale comme de la royauté absolutiste. Ses cardinaux et évêques font tout pour maintenir ce rôle politico-culturel au 19ème en lien avec la droite légitimiste. Dans ce contexte, l’engagement principal des républicains fut dirigé contre l’obscurantisme imposé par l’Eglise catholique dans ses écoles par ses enseignants, dans les églises par les prêches des prêtres, dans les familles par les religieuses et diverses revues. Il est vrai que ce combat républicain s’est appuyé sur un socle idéologique assez cohérent comprenant :
la valorisation de l’enseignement et de la culture "Dans chaque commune, l’instituteur allume une lumière et le curé souffle dessus pour l’éteindre"
la valorisation des potentialité humaines contre la vision pessimiste cléricale fondée sur le péché originel
la valorisation de la raison, de l’argumentation, de la science contre les mythes et les traditions infondées ou inhumaines.
la valorisation de l’égalité en droit, en particulier du droit à une bonne scolarisation. Les enseignants de la laïque furent généralement des "hussards de la république" extrêmement dévoués pour leurs élèves, porteurs d’une culture émancipatrice, fort actifs dans le combat politique. Ajoutons que de nombreuses communes ont complété l’égalité en droit devant la scolarité par une égalité plus concrète grâce à des bourses d’études pour enfants de milieux populaires. C’est ainsi qu’un arrière grand oncle personnel est devenu général.
la valorisation d’une morale républicaine, dans la vie quotidienne comme en ce qui concerne l’action des élus...
B4) Le républicanisme, force active et efficace face aux castes aristocratiques conservatrices
René signale l’affrontement des Républicains face aux castes aristocratiques réactionnaires, par exemple l’Armée. S’ils ne l’avaient pas fait, je suis persuadé que la France aurait connu un coup d’état militaire sous la 3ème république et une guerre civile. En affaiblissant cette caste militaire réactionnaire, les Républicains français ont mené une lutte nécessaire et décisive que bien des socialistes n’ont pas menée au 20ème siècle d’où la réussite de coups d’état militaires comme ceux de Lituanie, d’Espagne, d’Indonésie ou du Chili à propos desquels nous avons déjà mis des articles en ligne sur ce site.
Jacques Serieys
Date | Nom | Message |