Face à un système politique figé et déconnecté du peuple, le Front de Gauche est l’instrument pour politiser et impliquer (éditorial national du PG)

dimanche 3 mai 2009.
 

Pour l’heure, c’est comme si les rapports sociaux et leur représentation médiatico-politique évoluaient en sens inverse. Au fil de ces journées qui précèdent le 1er mai, un même constat monte de tous les secteurs du monde du travail. La crise radicalise les rapports sociaux. Partout les tensions s’accroissent, de l’ouvrier d’industrie frappé par les délocalisations à la noblesse hospitalo-universitaire soumise aux exigences croissantes de rentabilité dont elle se croyait dispensée. De nouveaux conflits s’allument, aucun ne s’est éteint. Devant cette multiplication des départs de feux, un spécialiste des incendies de forêt craindrait l’embrasement général.

Comme posé à côté de la réalité qu’il est censé traduire, le monde politico-médiatiaque dessine un autre paysage. Irréel. Certes le dernier sondage paru lundi dans l’Humanité souligne la dynamique du Front de Gauche, seule force en progression (passant de 4 à 5,5% d’une enquête sur l’autre). Mais tous placent l’UMP, le PS et le Modem en tête des intentions de vote. Trois partis pro-traité de Lisbonne. L’important n’est pas de savoir si c’est vrai. La valeur prédictive d’un sondage avant que la campagne ait commencé est nulle. Et la marge d’erreur est telle, aggravée par le flot d’abstention, que l’UMP comme le PS pourrait être en tête, et la 4e place occupée aussi bien par le Front de Gauche que par le Front national. Mais ce qui compte, c’est l’effet de représentation qui est produit, l’image donnée d’un système politique figé et déconnecté du peuple.

Il paraît aussi que la campagne a démarré lundi dernier dans les médias. Le plus souvent on a pu entendre un mauvais cours d’instruction civique complètement dépolitisé : les Français ignorent tout de l’Europe, n’y comprennent rien et cette élection serait l’occasion de leur expliquer. Sur l’enjeu politique de l’élection, sur la manière dont l’Europe peut répondre à la crise qui tord le pays, pas un mot. Le prix des SMS, voilà la grande question ! Là encore, c’est l’éviction spectaculaire des préoccupations populaires qui est affichée.

Quant à la campagne qui démarre seulement du côté des partis dominants, elle est tout aussi surréaliste. L’UMP semble vouloir un référendum sur Sarkozy : son tract national se résume à une photo pleine page du président de la République suivie de l’énumération des têtes de liste par circonscription. Celui du Modem est du même acabit, Bayrou remplaçant Sarkozy. On y dénombre en tout et pour tout six propositions, d’une généralité sans borne, souvent contraires aux traités européens. Quant au PS, il a choisi de lancer sa campagne par un meeting à Toulouse avec la « famille démocrate et sociale-démocrate » comme le dit Martine Aubry. Martin Schulz y a reproché à Bayrou d’être ultralibéral en Europe tout en tenant en France un discours digne de Karl Marx en exil. Les 1600 militants rameutés à grands frais de tout le pays l’ont acclamé debout. Contresens total ! C’est le gauchisme de Bayrou que dénonçait Schulz, et la modération du principal groupe de la droite européenne qu’il vantait, lui qui cogère le Parlement avec le PPE et dont le parti gouverne avec la CDU en Allemagne. Il fallait entendre la défense des services publics quelques jours après avoir voté la dérégulation complète du marché de l’électricité au Parlement européen. Là encore comme s’il n’y avait aucun rapport entre les discours de campagne et la réalité des votes émis sur les traités et directives.

Jusqu’à quelle profondeur un tel abîme peut-il se creuser ? La droite multiplie les pelletées. Il s’agit dorénavant d’une stratégie. Son but est la démobilisation sociale et civique. En relançant la provocation du travail du dimanche à la veille du 1er mai, le gouvernement escompte un double effet : exciter les éléments les plus radicalisés et décourager les moins ardents. Si ça ne sert à rien de manifester, mieux vaut casser... ou rester chez soi. Si elle y parvient, elle fera éclater le front social. Sur le terrain politique c’est la même chose. En ne tenant aucun compte du vote des Français puis de celui des Irlandais, Sarkozy décourage la participation civique. Il nourrit l’abstention, sa principale alliée, ce qui ne l’empêchera pas de faire ensuite mine de la regretter. Sarkozy est un enfant de juin 68. Il n’a pas oublié que l’explosion sociale pouvait déboucher sur la victoire écrasante du parti de l’ordre, faute d’alternative politique de la part d’une gauche divisée et dominée par un parti incapable d’affronter la crise. Et il ne peut ignorer que le dérèglement actuel de notre démocratie conduit à des explosions. Un seul exemple : si le Grand Marché Transatlantique voyait le jour comme prévu en 2015, comment les Français réagiront-ils en découvrant soudainement qu’un tel projet a été élaboré depuis plusieurs années sans que jamais ils en aient eu connaissance ?

Que faire alors ? Politiser et impliquer. Le Front de Gauche est l’instrument pour cela. C’est une alliance sur un contenu politique et non l’affirmation d’un parti au sein d’un système qui n’exprime plus rien d’autre que sa propre inertie. C’est l’ambition d’un véritable front populaire. C’est le seul moyen pour le peuple de monter sur la scène et d’arrêter la mauvaise pièce qui s’y joue.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message