De la Phénicie à la Gaule chevelue, de Carthage à l’Egypte des Ptolémées, de Rome à Athènes, de la Germanie à la Sicile, l’Antiquité européenne et méditerranéenne a connu l’esclavage.
Aussi, le mode production antique a pour synonyme "mode de production esclavagiste". Les humains réduits à la servitude constituaient un élément indispensable dans cette structure sociale puisqu’ils assuraient une grande part du travail productif (grandes propriétés agricoles, mines, domestiques...) mais ils appartenaient totalement à leurs maîtres.
Ces sociétés antiques sont également caractérisées de "révolutionnaires" par certains historiens car leurs injustices sociales sont telles qu’éclatent en permanence des mouvements et révolutions. Tel est le cas aussi à Rome et en Grèce.
Les modes de production : un outil théorique du matérialisme historique pour éclairer le passé
Le mode de production antique :
n’a pas l’aspect mondialement dominant du capitalisme aujourd’hui. En fait, il n’a eu que rarement ce statut de mode de production vraiment dominant (Méditerranée antique)
présente un aspect très instable car il se survit seulement par une politique permanente de guerres et de razzias. Aussi, les formations sociales concernées présentent des différences fortes.
Si nous prenons Rome (deux derniers siècles de la république et Empire) comme modèle, trois points peuvent être notés :
Il se développe en trois étapes dans le cadre d’une Cité-Etat :
première étape : la grande majorité des habitants vit du travail de la terre. A Rome, chaque paysan possède au 5ème siècle un terrain d’environ un demi hectare qu’il travaille et transmet héréditairement à sa guise. La majorité de l’espace foncier constitue une propriété publique, particulièrement pour l’élevage.
deuxième étape : progressivement s’accroît le fossé entre d’une part de grands propriétaires, d’autre part les petits paysans qui s’endettent auprès des premiers lors de mauvaises récoltes par exemple, ne peuvent rembourser et finalement leur abandonnent leurs petits domaines, se groupant alors dans la ville, centre d’attraction de ce milieu prolétaire. Dans le même temps, le domaine public se voit grignoté, accaparé par les riches. Le 3ème siècle avant notre ère correspond à cette phase ; la moitié des habitants ne possède plus de terre alors qu’une une classe privilégiée se développe par la propriété foncière mais aussi par le propriété urbaine, le commerce, les grands travaux.
troisième étape : les guerres de conquête apportent aux riches une main d’oeuvre moins chère et moins exigeante que celle des hommes libres urbanisés de la plèbe : les esclaves. Aussi, cette population croît rapidement : environ 3 millions en Italie pour 7 millions d’humains au total durant le 1er siècle.
Claude Meillassoux note que l’économie esclavagiste nécessite un préalable : l’existence d’un marché, particulièrement lorsqu’elle implique des transferts tels de population.
le rapport social principal est celui entre un maître, homme libre par ailleurs, propriétaire de moyens de production (terre, artisanat, mines transports, industrie) dont ses travailleurs appelés esclaves.
qui est ce maître ? généralement la personne à qui appartient la villa (son nombre d’esclaves ne dépasse guère la douzaine), parfois de grands propriétaires fonciers suppléés par un régisseur, souvent lui-même esclave bénéficiant de meilleures conditions de vie.
quelle vie attend les esclaves ? Leur revenu ne dépend pas de leur travail ou de leurs économies. Fondamentalement, leur maître a intérêt à leur maintien en vie, donc à satisfaire leurs besoins physiologiques minimum pour survivre et travailler. Le travail s’opère trop souvent sous la menace du fouet.
le faible prix de cette main d’oeuvre entraîne une évolution de la propriété terrienne vers un système de grands domaines agraires (type latifundia) entraînant une baisse de la production d’où un commerce lointain de plus en plus important pour nourrir la population urbaine.
la ville joue un rôle important. Elle abrite les hommes libres non paysans et les esclaves affranchis particulièrement dans les nombreux petits métiers urbains. Contrairement au mode de production asiatique, l’artisanat travaille essentiellement en ville. Les riches s’y font construire des palais et s’entourent d’une clientèle nombreuse ; aussi, de nombreuses cités connaissent un épanouissement architectural et culturel remarquable.
le niveau de développement des forces productives reste faible d’où cette prédominance maintenue de l’agriculture, de l’artisanat et du commerce. Aucun établissement "industriel" ne paraît dépasser la cinquantaine de travailleurs. Un capitalisme se développe mais de façon complémentaire non dominante par rapport à l’esclavagisme ; sa place dans le processus économique se situe essentiellement dans la circulation des produits (capital marchand), sans maîtrise de la production.
l’appropriation forcée prime sur le développement des rapports marchands, présentant des aspects tributaires encore plus marqués que dans le mode de production asiatique.
La lutte constante de la plèbe romaine contre les aristocrates accapareurs des terres et des fonctions publiques est assez connue. Au milieu du 5ème siècle la loi des XII tables légalise l’appropriation par le créancier de la personne du débiteur qui fait défaut ; celui-ci peut alors être vendu comme esclave. En 326, les milieux populaires obtiennent l’abolition de cette disposition. La principale conséquence va être, non une amélioration des conditions de vie des hommes libres pauvres mais un développement systématique de guerres pour que les riches se fournissent en esclaves.
L’ensemble du bassin méditerranéen est alors marqué par des déplacements considérables de populations ôtées de leur lieu de vie et asservies.
Isaac Joshua donne des détails chiffrés intéressants sur l’importance numérique de l’asservissement « C’est la guerre de conquête qui est la grande pourvoyeuse d’esclaves. D’énormes quantités de captifs de guerre sont vendus et le flot monte en proportion des conflits de plus en plus longs. Tel est le cas en particulier avec les guerres puniques, surtout la deuxième, celle d’Hannibal. Le mouvement se poursuit une fois Hannibal vaincu. Entre 200 et 150, 250 000 combattants auraient perdu la liberté. En 209, le magistrat Fabius Maximus Verrucosus asservit 30 000 tarentins ; en 167, Paul-Emile après avoir soumis l’Epire, enlève brusquement en pleine paix, 150 000 habitants, qu’il vend aussitôt. La Corse, l’Espagne, les territoires récemment conquis, tous fournissent des esclaves. César s’est vanté d’avoir réduit en esclavage un million de gaulois. Exagération, sans doute, mais on a quand même pu estimer qu’il a ramené de Gaule 400 000 captifs en 10 ans. Le commerce des esclaves est florissant, alimenté par les prises de guerre, mais aussi par la piraterie. L. Harmand cite Strabon, qui estimait que 10 000 têtes alimentaient journellement le commerce des esclaves à Délos, plaque tournante de ce trafic. Un trafic qui englobe progressivement toute la méditerranée et connaît son apogée entre 200 et 50. »
Ce rôle central de la guerre va entraîner la mise sur pied d’une armée de métier considérable (500000 hommes sous l’Empire) nécessitant un Etat s’éloignant des principes démocratiques de la cité d’origine et porteur de contradictions qui vont finalement entraîner l’extinction de ce mode production.
L’essentiel du travail productif étant assuré par des esclaves, les citoyens disposent d’un temps libre important pour assurer leur rôle citoyen. Cela explique la vitalité des structures de démocratie directe comme le renouvellement fréquent des élus, comme le faible appareil d’Etat (beaucoup de tâches étant assurées par le bénévolat de la représentation politique).
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