6 février 1919 A Tiraspol éclate la première mutinerie française de la Mer Noire

lundi 24 avril 2023.
 

Les dirigeants français, conservateurs et "républicains", sont sortis de la Première Guerre mondiale, tellement imbus de leur gloire qu’ils trament des projets dignes de Pichrochole. Un cléricalo-royaliste comme Castelnau, un fascisant comme Franchet d’Espérey, un conservateur nationaliste comme Foch, un radical comme Clémenceau unissent leurs efforts à ceux du grand patronat pour renverser l’URSS, la démanteler et garder pour les capitaux français les meilleures richesses.

17 décembre 1918 : L’armée française débarque en URSS pour combattre la Révolution et accaparer les richesses

Pendant deux mois, tout se passe bien pour l’armée française qui se déploie sur les rives de la Mer Noire, faisant régner un ordre fascisant de la Roumanie à la Crimée. Soudain le rêve s’écroule devant la réalité toute simple : les soldats français d’une part en ont marre de faire la guerre, d’autre part ne voient pas au nom de quoi ils donneraient leur vie contre la Révolution russe.

Tiraspol est une ville sur la rive gauche du Dniestr, intégrée dans la Russie fin 19ème siècle, début 20ème au sein du "gouvernement de Kherson" (Sud de l’Ukraine).

En 1918, l’armée française fait rapidement de Tiraspol un point d’appui essentiel de son dispositif. Par exemple, les chars d’assaut Renault livrés aux troupes françaises d’Odessa le seront par des chalands venant de cette ville située près de l’embouchure du Dniestr sur la Mer noire.

Début février 1918, une petite unité russe favorable à la révolution arrive devant Tiraspol en descendant la rive du fleuve. Elle tire quelques coups de canon et met en batterie des mitrailleuses.

Le général Berthelot, présent en Roumanie où il a joué un rôle militaire très important de 1916 à 1918, décide d’envoyer des forces conséquentes pour ne pas prendre de risque : un train blindé, des chars d’assaut, des unités françaises de zouaves, des Tchèques, des Polonais...

En fait, la défense de Tiraspol est essentiellement assurée par le 58ème Régiment français d’infanterie et les soldats de cette grosse unité n’ont guère envie de combattre les Russes. Il a suffi le 4 février, d’un petit mouvement de repli pour que des militaires des 6ème, puis 5ème et 7ème compagnies abandonnent leur poste.

Après une période de repos, de reprise en mains et d’arrivée de renforts, le colonel Lejay veut lancer l’attaque pour reprendre Tiraspol, en commençant par une préparation d’artillerie.

Sont également présents, côté français une unité du 501ème Régiment d’Artillerie d’Assaut et un bataillon du Régiment de Marche d’Afrique

Mais les artilleurs concernés refusent de faire avancer leurs engins, encore plus de tirer.

Les officiers enferment ces artilleurs dans un petit périmètre afin d’éviter la contagion aux autres troupes. Arrivent alors les pioupious du 2ème bataillon qui prennent fait et cause pour les mutins ; leur commandant "réussit à rétablir une situation périlleuse" d’après le rapport.

Quelques heures plus tard, lorsque les officiers espèrent enfin relancer l’offensive, les mutins refusent à nouveau de marcher. L’autre bataillon les rejoint... Lorsque la dernière "unité fidèle" décide de rallier la sédition, l’enthousiasme est tel parmi les soldats que les officiers n’ont plus aucune autorité.

Les arguments des mutins sont exposés très clairement dans le rapport qui suivra " La guerre est finie. L’armistice est signé. Nous nous sommes battus pendant quatre ans. Nous ne sommes pas en guerre contre les bolcheviques..."

Clémenceau réclame une sévérité extrême contre les mutins. Par contre les généraux présents dont D’Anselme et Franchet d’Espérey préfèrent une certaine souplesse " à une répression aveugle dangereuse à court terme".

En fait, le 9 février, le régiment est à nouveau en ordre de marche. "Les recherches faites n’ont permis de découvrir aucun meneur" note le colonel Lejay en conclusion.

Jacques Serieys

Complément

En préparant cet article, je suis tombé sur un texte d’histoire du 501 ème Régiment d’Artillerie d’Assaut qui rend ainsi compte du 6 février 1919 à Tiraspol :

"Le 6 février, la section Marchal prend part à une opération de nettoyage à Tiraspol sur la frontière roumaine, soutenue par un bataillon du 1er RMA et une compagnie polonaise ; l’opération réussit complètement."

Bigre ! voilà un rapport militaire qui mériterait de passer à la postérité !


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