France : Les guerres de religion (1562-1598)

dimanche 29 mars 2009.
 

La France connaît au XVIe siècle une fracture religieuse : la grande majorité du pays reste fidèle au catholicisme, tandis qu’une importante minorité rejoint la Réforme. Le principe de la coexistence de deux confessions dans le Royaume se révèle inapplicable. La guerre ne peut être évitée, signe de l’échec de la coexistence pacifique entre catholiques et protestants.

Huit guerres vont se succéder sur une durée de 36 ans, entrecoupées de périodes de paix fragile. Elles s’achèvent avec l’édit de Nantes (30 avril 1598) qui établit une dualité confessionnelle. Pendant la fin du règne d’Henri IV, assassiné en 1610, le roi fait respecter l’édit, ce qui protège les protestants.

1) Renaissance et humanisme

Pour comprendre la naissance du protestantisme, il est important de situer son contexte historique du 16ème siècle :

- Le développement économique génère, par exemple en Italie, de nouvelles couches sociales et des individus désireux de prendre en mains leurs affaires en sortant du cadre étouffant de la féodalité. Des Cités et leurs universités offrent un cadre pour l’épanouissement de cette nouvelle culture et nouvelle sociabilité.

- Sur tout le continent européen, l’humanisme prend corps. Il se caractérise par un retour aux textes antiques, par la critique de ces textes mais aussi par une place centrale donnée à l’humain d’abord au sens cicéronien « culture qui, parachevant les qualités naturelles de l’Homme, le rend digne de ce nom »

- Le foisonnement des idées touche des milieux beaucoup plus nombreux qu’au Moyen Age par l’usage des langues vernaculaires et par l’outil de l’imprimerie.

2) Naissance du protestantisme en France (1520-1562)

Le protestantisme ne naît pas en France comme une nouvelle religion mais par des croyants qui souhaitent des réformes de l’Eglise dans le sens d’un retour aux textes fondateurs du christianisme, d’une limitation des abus de l’Eglise, dans le sens d’un évangélisme humaniste.

Retour à l’Évangile de Jésus-Christ et retour aux textes originaux de la Bible : tel est le mot d’ordre des humanistes chrétiens. En étudiant la Bible, Erasme en vient à critiquer de nombreux rites et pratiques de l’Église romaine. Ses idées novatrices circulent dans les milieux érudits et dans une partie du haut clergé. Elles atteignent aussi l’entourage du roi François Ier. Marguerite d’Angoulême, la sœur du roi, encourage l’évêque de Meaux, Guillaume Briçonnet dans le projet de réformer son diocèse. L’évêque fait venir Lefèvre d’Étaples. Celui-ci fonde le cénacle de Meaux et traduit le Nouveau Testament en français.

3) Réponse du catholicisme appuyé sur l’Etat royal : la répression

Les autorités religieuses réagissent par la répression, en particulier l’interdiction de publier les textes fondateurs du christianisme (Bible, Evangiles...). Le parlement de Paris intente un procès à l’évêque de Meaux et fait ensuite interdire toutes les traductions de l’Écriture en français. Les amendes et la prison sont plus efficaces pour obtenir des retours au catholicisme. De nombreux moines et prêtres, suspectés de sympathie protestante sont condamnés à la prison perpétuelle et même au bûcher. En deux ans, le parlement de Paris prononce 500 condamnations dont au moins 68 à mort.

La dictature idéologique des dirigeants de l’Eglise catholique pousse de plus en plus de Protestants vers le courant luthérien favorable à sortir du cadre organisé du catholicisme. Le courant humaniste se trouve éclaté entre ceux qui refusent un schisme comme Rabelais et ceux que la logique de l’affrontement amènent à se rapprocher des Luthériens et Calvinistes.

Les protestants appartiennent surtout à l’élite sociale sachant lire : commerçants, clercs, maîtres d’école, étudiants, hommes de robe, imprimeurs et ouvriers du livre, artisans du textile et du cuir. Des couches plus larges sont gagnées grâce aux prédicateurs et aux maîtres d’école.

En 1559 est organisé le premier rassemblement clandestin des représentants, pasteurs et laïcs des Églises protestantes : le synode national de Paris. Avec une organisation plus efficace, le protestantisme gagne dès lors beaucoup plus les couches populaires notamment dans les villes, lieux de circulation des livres et des nouvelles, d’où une majorité d’artisans dans ses rangs. Des nobles adhèrent aussi à la Réforme, y compris parmi les proches du Roi, comme l’amiral Gaspard de Coligny, Antoine de Bourbon et sa femme Jeanne d’Albret (parents du futur Henri IV), Louis de Bourbon, prince de Condé...

4) Vers les guerres de religion

Après la mort accidentelle du roi Henri 2, les Guise s’installent au coeur du pouvoir royal fragilisé.

Ils mènent une politique systématique de répression des Protestants ( perquisitions, arrestations, confiscations de biens...), 1200 massacrés dans la forêt d’Amboise ou pendus au grand balcon du château.

Le 23 décembre 1559, Anne du Bourg, dit Le Juste, magistrat, conseiller au Parlement de Paris, est supplicié puis brûlé en Place de Grève pour sa défense des Protestants.

Au plan financier, ils imposent une austérité qui leur aliène une partie de l’armée, des gentilhommes de cour, des officiers du Roi...

Se rapprochant des leaders du catholicisme comme le roi d’Espagne et le pape, ils abandonnent les intérêts de la France en Italie, aux Pays Bas, au Brésil, en Ecosse...

Le duc François de Guise, le connétable de Montmorency et le maréchal de Saint-André (triumvirat) prêtent serment à Pâques 1561 d’extirper le protestantisme et de ne jamais tolérer un autre culte que le culte catholique.

1ère guerre (1562-1563)

Le massacre par le duc François de Guise d’une centaine de protestants assistant au culte dans une grange de la ville de Wassy, le premier mars 1562, est considéré comme l’événement qui déclenche la première guerre de religion. A l’appel de Louis de Bourbon, prince de Condé, les protestants prennent les armes. Condé s’empare d’Orléans le 2 avril.

La guerre s’étend à tout le royaume. Elle est marquée par des violences sauvages dans un camp comme dans l’autre. Les plus notables sont le fait – du côté protestant – du baron des Adrets en Dauphiné et en Provence, et – du côté catholique – de Blaise de Montluc en Guyenne.

La bataille de Dreux qui voit s’affronter les troupes de Condé et celles du connétable de Montmorency est à l’avantage des forces royales. Le duc de Guise met alors le siège devant Orléans tenu par les protestants (5 février 1563). C’est là qu’il est assassiné par Poltrot de Méré, un ancien conjuré d’Amboise.

Le 19 mars 1563 est signé l’édit de pacification d’Amboise négocié par Condé et le connétable de Montmorency.

2ème guerre (1567-1568)

Les chefs huguenots sont décidés à reprendre les armes dès l’automne 1567 et leur inquiétude devant l’influence grandissante du cardinal de Lorraine sur le jeune roi Charles IX les amène à envisager un coup de force pour soustraire le roi à cette influence. C’est ce que l’on a appelé la surprise de Meaux. Mais le roi, prévenu, déjoue cette tentative et, de Meaux, regagne Paris sous la protection des Suisses.

Plusieurs villes du Midi sont prises par les huguenots. Des violences surviennent de part et d’autre. A Nîmes, à la Saint-Michel, le 30 septembre 1567, c’est la Michelade : massacre de notables catholiques par les réformés nîmois. A Paris, assiégée par l’armée huguenote, ce sont les catholiques qui s’en prennent violemment aux huguenots.

L’armée de Condé s’empare de Saint-Denis et poursuit jusqu’à Dreux. Mais la bataille qui se livre à Saint-Denis le 10 novembre 1567 se termine à l’avantage des royaux, quoique le connétable Anne de Montmorency y soit mortellement blessé.

A l’issue de longues négociations, une paix est signée le 23 mars 1568, c’est l’édit de Longjumeau qui confirme l’édit d’Amboise.

3ème guerre (1568-1570)

La paix de Longjumeau ne dure que cinq mois.

La guerre civile en France subit l’influence des événements internationaux, notamment de la révolte des sujets de Philippe II d’Espagne aux Pays-Bas, ceux qu’on a appelé les « gueux ». La terrible répression dont ils sont l’objet, menée par le duc d’Albe, au nom du roi Philippe II suscite en France une grande émotion. Les huguenots, à la recherche d’alliances extérieures, concluent un accord avec eux.

En outre, chaque camp bénéficie d’aides étrangères :

- pour les protestants, celle du prince d’Orange et celle d’Élisabeth d’Angleterre qui finance l’expédition du comte palatin Wolfgang, duc de Deux-Ponts en Bourgogne au printemps de 1569 ;

- pour les catholiques, celles du roi d’Espagne, du pape et du duc de Toscane.

Les combats qui se déroulent principalement en Poitou, en Saintonge et en Guyenne, sont marqués par deux victoires des catholiques : à Jarnac (13 mars 1569), le duc d’Anjou, futur Henri III, remporte une victoire sur le prince de Condé qui sera tué au cours de la bataille ; et à Moncontour, au nord du Haut Poitou (3 octobre 1569), au cours de laquelle l’Amiral de Coligny, blessé, réussit à s’enfuir.

En dépit de ces deux défaites, les huguenots ne sont pas découragés. Coligny remonte vers le nord et parvient jusqu’à La Charité-sur-Loire. En juin 1570, l’armée protestante l’emporta dans la bataille d’Arnay-le-Duc.

La paix qui s’en suivit est le signe d’un revirement politique à la cour où les modérés retrouvent leur influence et où celle des Guise recule.

L’édit, signé à Saint-Germain le 8 août 1570, et qui a pour artisan principal le roi Charles IX, marque un retour à la tolérance civile. Il restitue la liberté de culte dans les lieux où il existait au premier août 1570.

En outre, les protestants obtiennent des places de sûreté : quatre pour deux ans : La Rochelle, Cognac, La Charité-sur-Loire et Montauban.

4ème guerre (1572-1573)

Le 22 août 1572, quatre jours après le mariage d’Henri de Navarre avec Marguerite de Valois, sœur du roi Charles IX qui avait provoqué la venue à Paris de nombreux nobles protestants, l’Amiral de Coligny est victime d’un attentat auquel il échappe de peu. La tension est grande dans Paris. Dans la nuit du 23 au 24 août, jour de la Saint-Barthélemy, un Conseil royal se réunit, au cours duquel il est décidé d’éliminer les principaux chefs huguenots. Coligny et d’autres gentilshommes protestants sont assassinés tant au Louvre qu’en ville.

24 août 1572 Massacre de la Saint-Barthélemy : l’obsession de la souillure hérétique

Cette exécution d’un nombre limité de chefs huguenots est suivie d’une tuerie sauvage qui va durer jusqu’au 29 août et fait dans Paris 4 000 tués. Le massacre se généralise et s’étend à la province où l’on dénombre quelque chose comme 10 000 tués.

Henri de Navarre et le prince de Condé sont épargnés parce que princes du sang, mais ils sont contraints à se convertir au catholicisme.

La violence qui s’est déchaînée contre eux pousse de nombreux réformés à abjurer ou à s’enfuir dans les pays du « Refuge » : Genève, la Suisse, les provinces septentrionales des Pays-Bas ou l’Angleterre. Mais, dans l’Ouest et le Midi, les combats reprennent. Nîmes et Montauban refusent des garnisons royales. Le siège est mis devant La Rochelle qui résiste. Le siège sera levé le 6 juillet 1573 et le roi accorde aux huguenots un édit de pacification, l’édit de Boulogne enregistré au parlement le 11 juillet 1573, édit moins avantageux que le précédent. Les protestants conservent la liberté de conscience mais n’obtiennent la liberté du culte que dans trois villes : La Rochelle, Nîmes et Montauban.

5ème guerre (1574-1576)

Le duc d’Alençon, jeune frère du roi, prend la tête d’un mouvement composé de protestants et de catholiques modérés. C’est l’alliance des « Malcontents » qui réclame une réforme de l’Etat, considérant que la tolérance du culte réformé est d’abord un problème de réforme politique.

Henri III, sacré roi le 13 février 1575, à la suite de la mort de Charles IX (30 mai 1574) refuse tout d’abord d’accéder aux requêtes des Malcontents, mais il est bien obligé de traiter avec eux par la suite, ses troupes étant très inférieures en nombre. Il signe à Etigny le traité de paix, appelé paix de Monsieur. L’édit du 6 mai, connu sous le nom d’édit de Beaulieu (6 mai 1576), atteste la victoire des Malcontents. Il permet l’exercice du culte réformé dans tous les lieux du royaume sauf à Paris et deux lieues alentour. En outre, les réformés reçoivent huit places de sûreté et des chambres mi-parties dans chaque parlement.

6ème guerre (1576-1577)

Dès le début, l’édit de Beaulieu est difficile à appliquer et suscite des résistances. Les catholiques hostiles se groupent en ligues défensives. Les états généraux convoqués à Blois se déroulent dans un climat très défavorable aux huguenots. L’abolition de l’édit de Beaulieu par l’assemblée provoque la reprise des conflits. Mais faute de secours financier de part et d’autre, la négociation s’impose. Un compromis est trouvé, ce sera la paix de Bergerac du 14 septembre 1577, confirmée par l’édit de Poitiers signé en octobre 1577.

7ème guerre (1579-1580)

En novembre 1579 la guerre reprend localement : le prince de Condé s’empare de La Fère en Picardie et en avril 1580, Henri de Navarre – alors chef du parti protestant depuis 1575-1576 – s’oppose aux provocations du lieutenant-général de Guyenne et prend possession de la ville de Cahors. Quelques conflits sporadiques ont encore lieu jusqu’à la signature du traité de Fleix, le 26 novembre 1580, qui confirme le texte de Poitiers. Les places de sûreté devront être rendues dans un délai de six ans, comme prévu à Poitiers.

8ème guerre (1585-1598)

La mort de François d’Alençon, duc d’Anjou et dernier frère du roi (1584) fait d’Henri de Navarre l’héritier légitime du trône. Le rejet de cette candidature au trône de France suscite la constitution de la Ligue ou « Sainte Union » des catholiques dont le chef Henri de Guise impose au roi Henri III la signature du traité de Nemours (1585). L’édit qui en est tiré, enregistré au Parlement le 18 juillet 1585, est un reniement de la politique de tolérance civile. Il stipule que les calvinistes ont six mois pour choisir entre l’abjuration et l’exil, que les pasteurs sont bannis et que les places de sûreté doivent être rendues.

Il en résulte une forte diminution du nombre des protestants. Cependant Henri de Navarre, vainqueur à Coutras, tient encore les provinces du Midi.

20 octobre 1587 : L’armée protestante remporte la bataille de Coutras

La Ligue prend le contrôle du Nord de la France.

A Paris, naît, indépendamment de la Ligue des princes, une ligue roturière qui s’allie à la première. Le 12 mai 1588, la ville se soulève : c’est la « journée des barricades ». Henri III doit s’enfuir. Il se réfugie à Blois et entame des négociations avec les ligueurs. Mais le pouvoir conquis par les Guise l’inquiète. Il veut à tout prix lutter contre la subversion qu’il redoute. Il décide de faire assassiner le duc Henri de Guise ainsi que son frère le Cardinal de Lorraine.

Henri III se rapproche alors d’Henri de Navarre. Leurs deux armées se joignent et montent vers Paris. Mais les Parisiens se déchaînent contre leur roi qui a fait alliance avec les hérétiques.

C’est alors, en 1589, qu’Henri III est assassiné par le moine ligueur Jacques Clément. Henri de Navarre devient roi sous le nom d’Henri IV, mais Paris est aux mains des ligueurs et le nouveau roi doit conquérir son royaume.

En mars 1590, la fameuse bataille d’Ivry ouvre au roi la voie au siège de Paris.

En 1593, Henri IV déclare son intention d’abjurer et de recevoir une instruction catholique. Il faudra le sacre royal à Chartres pour vaincre les réticences des Parisiens. Paris cède en 1594 et ouvre ses portes à Henri IV.

En 1595, Henri IV reçoit l’absolution du Pape et déclare la guerre à l’Espagne dont de nombreuses troupes venues pour soutenir la Ligue sont encore présentes en France.

En 1598, par le traité de Vervins, il obtient le départ des troupes espagnoles. Henri IV obtient aussi la soumission du duc de Mercoeur, gouverneur de Bretagne, qui s’était allié aux Espagnols.

L’édit de Nantes (30 avril 1598)

C’est à Nantes, en avril 1598, qu’Henri IV signe le fameux édit qui met un terme aux guerres de religion qui ont ravagé la France au cours d’une période de 36 ans. Cet édit est plus complet que les précédents. Il instaure la coexistence religieuse entre catholiques et protestants. Le culte réformé est autorisé dans tous les lieux où il existait en 1597 et l’accès à toutes les charges est garanti aux réformés.

Source : https://www.museeprotestant.org/not...


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