L’abolition de la royauté par la Convention (21 septembre 1792)

vendredi 22 septembre 2023.
 

- A) C’est l’anniversaire de la République (celle que Macron a oubliée)

- B) Royauté et république (Jacques Serieys)

- 1) Quelle légitimité du pouvoir politique ? diversité des expériences

- 2) Royauté et république dans l’histoire

- 3) L’abolition de la royauté par la Révolution française présente un caractère radical particulier dans l’histoire

- 4) Débat à la Convention nationale le 21 septembre 1792

A) C’est l’anniversaire de la République (celle que Macron a oubliée)

« La convention nationale décrète à l’unanimité que la royauté est abolie en France. » 21 septembre 1792. La fin de plus de huit siècles de monarchie. La République est née. Pas celle d’Emmanuel Macron. L’homme qui déclarait, deux ans avec son élection : « L’absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort ». L’homme qui, à l’annonce de sa candidature, allait se recueillir à la basilique de Saint Denis, nécropole des rois de France. Le président de la République a choisi le 4 septembre pour célébrer l’anniversaire de la République. L’objectif n’est pas nouveau : vider la République de son contenu révolutionnaire.

Robespierre et Saint-Just n’étaient même pas encore morts que déjà l’Histoire était réécrite. Des barbares, assoiffés de sang, seuls responsables de la Terreur, et même des totalitarismes des siècles suivants. Le bicentenaire de la révolution n’a pas été un anniversaire mais un enterrement. Les historiens réactionnaires autour de François Furet l’emportant dans les médias. Heureusement, des générations d’historiens ont déconstruit les mythes. De George Lefebvre à Albert Soboul, en passant par Albert Mathiez, Claude Mazauric, Michel Vovelle, au XXe, et j’en oublie, jusqu’à Jean-Clément Martin, Marc Belissa, Yannick Bosc ou Hervé Leuwes, qui ont tous les quatre œuvré, cette dernière décennie, à déconstruire la fabrication du monstre Robespierre et à redorer les jacobins.

« Républicain », « républicain », « républicain ». Aujourd’hui, tous les hommes politiques se vantent partout, tout le temps, d’être : « républicains ». En oubliant ses origines révolutionnaires. Comment la République est née ? Le lendemain de la bataille de Valmy, de la victoire du peuple français sur les troupes royalistes coalisées aux portes de Paris, des trahisons de Louis XVI, de sa fuite à Varennes, du massacre du Champ-de-Mars… Et le Président de la République d’oser aujourd’hui affirmer que notre pays serait nostalgique de la figure du roi ? Macron ose choisir le 4 septembre ?

La République est née le 21 septembre 1792. N’en déplaise aux charlatans de la République. Liberté, Égalité, Fraternité… Maximilien de Robespierre. C’est l’incorruptible qui, le premier, assembla ces trois mots dans un discours. Combien l’ignorent parmi les tartuffes de la République ? Deux cent vingt-huit ans plus tard, c’est bien une devise robespierriste qui est affichée sur tous les frontons des écoles et des mairies à travers pays. La révolution n’est pas terminée. La liberté, l’égalité et la fraternité sont chaque jour piétinées encore un peu plus. Les profiteurs de crises ont pris 37 milliards d’euros depuis le début du coronavirus. Pendant ce temps là, des millions de Français crèvent la dalle. Chaque jour, ils tentent de diviser le peuple français. Mais on ne les laissera pas détruire la République. Les séparatistes, c’est eux.

Par Pierre Joigneaux

B) Royauté et république (Jacques Serieys)

1) Quelle légitimité du pouvoir politique ? diversité des expériences historiques

La question de la légitimité du pouvoir politique a longtemps occupé un rôle central dans la réflexion philosophique et religieuse :

- les oligarchies antiques et féodales réservaient le pouvoir aux grands propriétaires terriens, conséquence logique de sociétés construites sur la primauté de la propriété agricole

- des révolutions sociales et politiques renversèrent ces pouvoirs oligarchiques mais balbutièrent souvent sur le moyen de le remplacer.

- assez souvent, les dirigeants de ces révolutions ou des chefs militaires heureux bénéficièrent d’une "légitimité charismatique" pour reprendre ce bon concept du sociologue Max Weber

- Ainsi, Jules César fut le premier Romain à être traité comme un dieu, le sénat lui en ayant attribué ce statut après sa mort. Cette consecratio imperatoris fut conférée par la suite à trente-neuf empereurs romains et membres de familles impériales.

- Poursuivant cette tradition de l’empire romain, l’Eglise catholique a considéré chaque "chef suprême", chaque empereur et roi comme le représentant de Dieu sur terre auquel les sujets doivent totale obéissance. « Qui résiste au pouvoir résiste à l’ordre établi par Dieu, et ceux qui lui résistent s’attirent à eux-mêmes la damnation » (Saint Paul)

- Au Japon, l’empereur tirait sa légitimité de son statut de divinité sous forme humaine mais aussi de la tradition des Ancêtres ; ainsi, le préambule de la constitution Meiji de 1889 stipule que « Les droits de la souveraineté de l’État Nous ont été transmis par Nos ancêtres et Nous devons les léguer à Nos descendants ». En 1946, le général US Mac Arthur craignant avant tout le risque d’évolution vers la gauche d’une démocratie rédigea la constitution japonaise faisant de l’Empereur le « symbole de l’État et de l’unité du peuple ».

2) Royauté, république et démocratie dans l’histoire

L’Antiquité a connu des royautés et des républiques. Les républiques ont généralement remplacé les monarchies suite à des mouvements populaires et révolutions ; certains aspects de ces républiques présentent un caractère progressiste, par exemple la forte implication démocratique populaire tant en Grèce que dans la république romaine.

Grèce antique : révolutions, tyrannie et progrès de civilisation

République romaine archaïque : une révolution citoyenne permanente institutionnalisée

Mode de production antique (esclavagiste) : définition, contexte, formes (quelques notes)

Le Moyen Age a connu des royautés et des républiques. La nature du mode de production féodal (essentiellement domanial rural) ne lui permettait pas de bien gérer les centres urbains à forte circulation monétaire et à traditions citoyennes. Aussi, diverses "républiques" (comme Florence, Genève) ont connu une vitalité démocratique, culturelle et économique notable.

Florence au 14ème siècle : république bourgeoise et révolte des ciompi

8 février 1526 La Commune de Genève s’émancipe complètement de la féodalité

Le mode de production féodal en Europe

L’Europe de ce début de 21ème siècle connaît des royautés (Angleterre, Espagne, Belgique, Pays Bas, Danemark, Luxembourg, Norvège, Suède...) et des républiques ( Allemagne, France, Italie, Pologne, Hongrie, Portugal...). La nature de ces régimes est-elle différente ? Non. Il s’agit dans tous les cas de sociétés capitalistes dans lesquelles la qualité de la démocratie et le progressisme des orientations politiques ne sont pas fondamentalement liées au caractère monarchique ou "républicain" du système institutionnel. Ceci dit, il est vrai :

- que les pays ayant connu une révolution bourgeoise ont été nettement plus rétifs au fascisme qu’ailleurs.

- que les monarques jouent un rôle absolument non démocratique préservant en dernière instance les institutions de toute souveraineté populaire

De fait, les classes dominantes des pays dits "démocratiques" trouvent sans cesse de nouveaux moyens pour conserver leur pouvoir :

- valorisation momentanée d’une personnalité pour gagner une élection

- pouvoir exorbitant de l’exécutif

- Cour suprême et conseils constitutionnels pour faire face au risque d’une élection portant au pouvoir une force démocratique et sociale

- l’Union européenne est un exemple parfait de pouvoir politique soustrait à la souveraineté populaire tout en se prévalant de la "démocratie".

3) L’abolition de la royauté par la Révolution française présente un caractère radical particulier dans l’histoire

Par rapport à toutes ces expériences, l’abolition de la royauté française le 21 septembre 1792 présente indiscutablement un caractère radical car elle est liée à la proclamation de la république, à l’instauration du suffrage universel masculin, à l’affirmation de la souveraineté populaire et bientôt à une constitution nettement démocratique et sociale.

Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 23 juin 1793, texte d’importance historique universelle

24 juin 1793 Constitution de l’An 1

Cette radicalité se comprend par le contexte :

- les armées royales de l’Europe sont en train d’envahir la France pour casser la Révolution

27 août 1791 La Déclaration de Pillnitz marque l’engagement des royautés européennes contre la Révolution française

- le Roi est en lien avec l’envahisseur et essaie de le rejoindre ; les 3/4 des officiers passent à l’ennemi ; le peuple se mobilise pour défendre ses acquis

21 juin 1791 La fuite de Louis XVI s’arrête à Varennes

11 et 12 juillet 1792 La patrie en danger ! Aux armes citoyens ! (article et film de 10 minutes)

- les députés ne prenant pas de mesures d’urgence pour repousser les envahisseurs, le peuple réussit une seconde révolution et impose des décrets aptes à "vaincre ou mourir".

10 août 1792 La prise des Tuileries engage la 2ème phase de la Révolution française, portée par le peuple

Valmy ( 20 septembre 1792), symbole fort d’une mobilisation populaire qui sauve la Révolution française

Cette abolition a évité à la France les avatars de la génétique dans l’hérédité de souverains dont les familles s’apparentaient systématiquement.

L’historien George F. Kennan dépeint le Tsar Nicolas II en ces termes : « Peu instruit, isolé dans la société russe, n’ayant de contacts qu’avec de petits cercles d’officiers et de fonctionnaires, faible, vivant sous l’influence d’une épouse malheureuse, Nicolas II n’était pas de taille à assumer le pouvoir immense qui était le sien de droit » (Kennan, 1968, p. 13). Pour le dernier empereur d’Allemagne, Guillaume II, nous avons ce qu’en dit le fils de l’Empereur François-Joseph, Rudolf, dans son journal : « Étroit d’esprit et manquant de discipline, il se prenait pour le plus grand génie d’Europe. Il ne lui aura pas fallu de longues années pour conduire l’Allemagne des Hohenzollern au désastre qu’elle méritait » (voir Sforza, 1931, p. 35).

4) Débat à la Convention nationale le 21 septembre 1792

Collot-d’Herbois  : "Vous venez de prendre une délibération sage ; mais il en est une que vous ne pouvez remettre à demain, que vous ne pouvez remettre à ce soir, que vous ne pouvez différer un seul instant sans être infidèles au voeu de la nation, c’est l’abolition de la royauté" (Applaudissements unanimes).

Quinette : "Ce n’est pas nous qui sommes juges de la royauté : c’est le peuple ; nous n’avons la mission que de faire un gouvernement positif, et le peuple optera ensuite entre l’ancien où se trouvait une royauté, et celui que nous lui présenterons. Quant à moi, comme représentant du peuple français, je ne songe ni au roi ni à la royauté ; je m’occupe tout entier de ma mission, sans songer qu’une pareille institution ait jamais pu exister. Je pense donc qu’il est inutile de s’occuper en ce moment de la proposition du préopinant".

Grégoire  : "Certes, personne de nous ne proposera jamais de conserver en France la race funeste des rois ; nous savons trop bien que toutes les dynasties n’ont jamais été que des races dévorantes qui ne vivaient que de chair humaine. Mais il faut pleinement rassurer les mais de la liberté. Il faut détruire ce talisman magique dont la force serait propre à stupéfier encore bien des hommes. Je demande donc que, par une loi solennelle, vous consacriez l’abolition de la royauté".

L’assemblée entière se lève par un mouvement spontané et décrète par acclamation la proposition de l’abbé Grégoire, évêque de Blois.

Bazire : "Je demande à faire une motion d’ordre. L’assemblée vient de manifester par l’unanimité de ses acclamations sa haine profonde pour les rois. On ne peut qu’applaudir à ce sentiment si concordant avec celui de l’universalité du peuple français. Mais il serait d’un exemple effrayant pour le peuple de voir une Assemblée, chargée de ses plus chers intérêts, délibérer dans un moment d’enthousiasme. Je demande que la question soit discutée".

Grégoire : "Eh ! Qu’est-il besoin de discuter quand tout le monde est d’accord ? Les rois sont dans l’ordre moral ce que les monstres sont dans l’ordre physique. Les cours sont l’atelier des crimes et la tanière des tyrans. L’histoire des rois est le martyrologue des nations. Dès que nous sommes tous également pénétrés de cette vérité, qu’est-il besoin de discuter ? Je demande que ma proposition soit mise aux voix, sauf à la rédiger ensuite avec un considérant digne de la solennité de ce décret".

Ducos : "Le considérant de votre décret, ce sera l’histoire des crimes de Louis XVI, histoire déjà trop bien connue du peuple français. Je demande donc qu’il soit rédigé dans les termes les plus simples ; il n’a pas besoin d’explication après les lumières qu’a répandues la journée du 10 août".

La discussion est fermée.

Il se fait un profond silence.

La proposition de Grégoire, mise aux voix, est adoptée au bruit des plus vifs applaudissements.

"La Convention nationale décrète que la royauté est abolie en France".

(Source : Journal officiel de la Convention Nationale)

5) Intervention de Charles Arambourou lors du 228è anniversaire de l’abolition de la monarchie

L’UFAL, l’union des familles laïques, se devait d’être des vôtres pour célébrer le 228ème anniversaire de l’abolition de la monarchie.

Parce que nous défendons et promouvons la laïcité, c’est-à-dire l’égalité poussée jusqu’au bout.

Parce que, représentants les intérêts des citoyens, des usagers, et de leurs familles, nous défendons la République sous la seule forme qui assure réellement ses principes : la République sociale.

Nous proclamons, comme Jaurès en 1906 : la République sera sociale ou ne sera pas. Elle ne l’est devenue qu’après 1945, avec la mise en place de la Sécurité sociale. Des droits sociaux égaux pour tous, voilà les combats qu’il faut aujourd’hui mener, contre tous ceux, employeurs et dirigeants politiques de tous bords, qui cassent méthodiquement toutes les conquêtes populaires.

La Sécu, la retraite, mais aussi l’assurance chômage, ce ne sont pas des « privilèges de blanc ». Voilà pourquoi la racialisation de la question sociale est une impasse pour le peuple, mais un boulevard pour le néo-libéralisme.

Car le capitalisme a horreur de l’égalité. Il est même prêt à admettre, à la place, la « lutte contre les discriminations », qui est parfaitement compatible avec sa logique. Imaginons en effet qu’on puisse abolir, mais toutes choses égales d’ailleurs, seulement les « discriminations » (il y en a plus de 20 énumérées à l’article 225-1 de notre code pénal). Que se passerait-il ? Eh bien, on créerait simplement une autre forme de distribution des inégalités ! Il y aurait des « personnes racisées » parmi les dominants toujours en place. Quant au sort des dominés, parqués dans des ghettos, mais désormais en toute mixité sociale, il ne changerait pas. Lutter contre les discriminations n’a de sens que si on lutte contre les inégalités. Car les discriminations, notamment le racisme, ne se développent (et se multiplient) que parce que la société est inégalitaire. Ce qui est systémique, en France, c’est l’inégalité ! Que beaucoup de jeunes soient sensibles au racisme et protestent contre les violences policières –notamment sur cette même place de la République-, on doit s’en féliciter. Mais c’est à nous, républicains, qu’il revient d’expliquer le sens et les enjeux des tensions sociales, dont ils ne voient que l’écume. L’avons-nous fait correctement ? N’avons-nous pas délaissé un peu la République en pensant que c’était une affaire réglée, comme beaucoup l’ont fait, hélas, pour la laïcité, dont d’autres hélas se sont emparés pour la détourner.

Ne laissons pas la défense de la République à la droite, serait-ce au nom du souverainisme. Mais ne laissons pas non plus la critique de la République aux indigénistes et aux décoloniaux ! Il ne suffit pas de clamer « liberté, égalité, fraternité », si l’on fait l’impasse sur nos périodes coloniales, esclavagistes, autoritaires –et ceux qui les ont combattues.

Les déboulonneurs de statues se trompent, certes : mais quelle histoire officielle leur a-t-on appris ? Que ce 228ème anniversaire de la République soit l’occasion pour les républicains de se réveiller. La République est une construction continue, collective, donc contradictoire et conflictuelle. Surtout, n’évacuons pas les conflits au nom de l’ordre public ! La République ne se proclame pas, elle se prouve, jour après jour, et auprès de tous.


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