40% des Français plébiscitent Besancenot pour l’avenir. Répondra-t-il à cette attente ? (texte du 3 novembre 2007)

mardi 26 avril 2022.
 

Le sondage BVA Orange (pour L’Express du 25 octobre 2007) sur la popularité des personnalités politiques peut marquer un tournant dans l’histoire de la gauche et du courant anticapitaliste en France. 40% des personnes interrogées souhaiteraient qu’Olivier Besancenot ait davantage d’influence dans la vie politique française ; cela signifie évidemment qu’une grosse majorité des électeurs de gauche émettent ce voeu.

Dans ce classement, Olivier Besancenot fait exactement jeu égal avec Ségolène Royal (40%) loin devant François Hollande, Laurent Fabius, Pierre Moscovici, Manuel Valls, François Rebsamen ou Jean-Marc Ayrault.

A) Comment expliquer une telle percée de l’ex candidat LCR aux présidentielles ?

A1) Je noterai en premier lieu que l’affirmation de courants à gauche des partis de la social-démocratie s’est déjà largement concrétisée en Amérique latine et commence à devenir une réalité en Europe (Allemagne, Grèce...).

En France, la percée conjoncturelle d’ATTAC, la campagne puis le succès du non au TCE, le maintien d’une mouvance des collectifs antilibéraux... ont prouvé la force d’une aspiration anticapitaliste.

Plusieurs sondages et enquêtes ont également pointé cette réalité au sein du peuple français.

IL faut remplacer le capitalisme d’après 43% des Français, 38% des Mexicains, 35% des Brésiliens... (sondage décoiffant de la BBC)

Lors des présidentielles de 2007, le vote utile des électeurs de gauche pour ne pas renouveler le 21 avril 2002 (Chirac Le Pen au second tour) a réduit le score des candidats à la gauche du PS.

Cet automne 2007, le petit facteur de la LCR fait son trou médiatiquement et apparaît comme capable de dépasser la division du camp antilibéral qui avait été handicapé par sa division de 2005 à aujourd’hui.

A2) Face à la dureté de l’offensive antisociale du MEDEF et de Sarkozy, une partie significative des cadres du mouvement syndical et parmi ceux des forces locales de gauche verraient d’un bon oeil l’émergence d’un opposant politique sans concession.

Jérôme Sainte Marie, directeur de BVA, résume la question en affirmant qu’Olivier Besancenot "semble engranger à gauche la mobilisation du 18 octobre".

A3) Je crois qu’Olivier Besancenot profite actuellement d’une grande faiblesse des autres partis et leaders de gauche.

- faiblesse conjoncturelle et impasse stratégique du Parti Socialiste. Après la défaite de Ségolène Royal aux présidentielles, celui-ci connaît une phase d’expectative en attente d’une recomposition interne "On se flaire" dit Rebsamen, bon connaisseur. De plus, au moment où la déferlante du capitalisme financier transnational pose clairement la question de la possibilité de politiques réformistes, une majorité de dirigeants socialistes fuit cet obstacle pratique, théorique et stratégique. Dans Agora Vox, Damoclès conclut "La méthode Couet, qui a fait les beaux jours de la gauche dans la seconde moitié du 20ème siècle, n’est désormais plus un socle solide".

- faiblesse conjoncturelle et structurelle du PCF. Ce parti doit affronter aujourd’hui plusieurs handicaps énormes : l’offensive permanente des médias contre sa participation passée au "socialisme réel" stalinien, le maintien significatif depuis 1966 d’autres courants communistes, un résultat aux présidentielles (moins de 2%) qui pousse le Parti Socialiste à chercher d’autres partenaires électoraux (Verts, PRG, Bayrou)

- faiblesse conjoncturelle et structurelle des autres forces de la gauche du Non de 2005. Les socialistes de PRS animés par Jean-Luc Mélenchon sont inaudibles comme anticapitalistes et comme force opposante à Sarkozy tant leur parti campe sur des positions conciliatrices et un fond politique de plus en plus proche du Parti démocrate américain, de moins en moins proche de Jaurès ou même Blum. La FASE, Alternatifs, Comités antilibéraux, minoritaires "unitaires" de la LCR paraissent incapables de prendre une initiative efficace pour sortir les antilibéraux de leurs divisions. Quant au réseau Bové, il s’évapore tant il s’est construit sur son seul candidat dont les positions réelles et la stratégie sont actuellement plus gazeuses que solides.

B) Olivier Besancenot répondra-t-il à cette attente ?

Personnellement, je considère la période politique internationale comme une phase de montée lente, hésitante mais de montée réelle impliquant que nous devrions dans les années qui viennent en Europe et dans le monde bénéficier d’un élan anticapitaliste venu de la société, participer à de grands mouvements sociaux et même à des révolutions. Dans le même temps, le capitalisme financier transnational continue à détruire les acquis sociaux, à marchandiser la planète.

Nous devons donc à la fois trouver les formes utiles pour résister à la mondialisation libérale et être prêts pour les moments forts qui risquent fort d’exploser ici ou là.

Dans un tel contexte, toute initiative permettant d’aller dans le sens d’une vraie gauche de masse, anticapitaliste, écologiste, émancipatrice et internationaliste est positive.

Est-ce le but de la majorité actuelle de la LCR dont Besancenot ? J’ai quelques doutes ou au moins incompréhensions.

Vu les difficultés rencontrées par le courant antilibéral pour dégager une candidature commune aux présidentielles 2007, nous pouvons nous attendre à un processus complexe d’union, d’action, de réflexion et de confrontation pour voir naître une "vraie gauche de masse, anticapitaliste, écologiste, émancipatrice et internationaliste". Dans ces conditions, commencer par dissoudre la LCR est surprenant, croire imposer le NPA en ne se souciant pas des autres forces est encore plus surprenant.

En résumé, la majorité actuelle de la LCR dont Besancenot souhaiterait construire elle seule une vraie gauche anticapitaliste de masse sans partenaire significatif (je ne compte pas comme partenaires significatifs les clans réseaux trotskisants, anarchisants et proches du bordighisme partants pour le NPA) ; je ne pense pas qu’elle saura le faire même si personnellement je reste ouvert fonction des évolutions à venir.

Fin août 2006, lors de l’université d’été de Port Leucate, j’ai discuté avec un dirigeant qui m’a expliqué ainsi la stratégie définie "Nous voulons construire une force centriste de gauche, assumant en gros les fondements politiques de la Quatre" (4ème internationale).

Sur un tel projet, il est logique de commencer par discuter avec Lutte Ouvrière et certains courants anarchistes mais cela ne peut aider à construire une gauche anticapitaliste de masse, au contraire.

Je crois qu’il y a place aujourd’hui pour une force "centriste" au sens que donnait Trotsky à ce concept à condition de la penser en fonction des besoins et potentialités de la période politique actuelle autant que comme étape de construction d’un parti. Cela demanderait probablement d’une part un choix de partenaires plus large d’autre part dans un premier temps le maintien de la LCR comme des autres forces organisées parties prenantes.

Critiquer radicalement le stalinisme ne poserait pas problème, même pour une majorité d’adhérents du PCF, à condition de prendre le temps du débat, de ne pas plaquer bovinement l’analyse du stalinisme international sur l’histoire réelle du mouvement ouvrier français.

Faire un retour critique sur le bilan de l’Union de la gauche (1970 - 2002), du Programme commun, des gouvernements Mauroy, Fabius, Rocard, Cresson, Bérégovoy, Jospin ne poserait pas problème, y compris pour une majorité des adhérents PCF et PRS à condition d’accepter en même temps une réflexion sur les faiblesses de l’extrême gauche qui ont laissé toute la place à l’Union de la Gauche comme débouché des années 68.

Sur le fond, il me semble que Trotsky lui même aurait été surpris de ce projet de créer une organisation à mi-chemin entre structure sympathisante de la quatrième internationale et parti centriste quand on dispose déjà d’un parti de la 4 reconnu (la LCR) et que les courants de radicalisation et de politisation produits par la période sont bien trop divers, bien trop différents des années 1930 pour être simplement récupérés sur les bases de fondation de la quatrième internationale.

Jacques Serieys

Articles de notre site sur un sujet proche :

La direction de la LCR refuse de signer l’appel au rassemblement des forces antilibérales. Pourquoi ?

Camarade Samy Joshua (LCR NPA) ton texte "questions, ambiguïtés et certitudes" du Parti de Gauche, est un procès d’intention

C) Complément : Olivier Besancenot profite des hésitations du Parti socialiste (article du Monde)

Le porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire, Olivier Besancenot, s’installe en leader de la gauche de contestation. Au point de faire jeu égal - en termes de popularité - avec Ségolène Royal.

En obtenant 4,08 % à l’élection présidentielle, M. Besancenot avait devancé ses rivaux de la gauche radicale, Marie-George Buffet (PCF) et José Bové. Il vient concurrencer les leaders du Parti socialiste dans un sondage BVA-Orange, réalisé du 18 au 20 octobre auprès de 1 078 personnes, et publié dans L’Express du 25 octobre : 40 % des personnes interrogées "souhaitent qu’il ait davantage d’influence dans la vie politique française" (Le Monde du 27 octobre). En un mois, M. Besancenot a gagné trois points d’opinions favorables. Mme Royal en a perdu deux.

L’institut BVA explique que le contexte était "favorable" à M. Besancenot, l’étude ayant été réalisée au lendemain de la grève du 18 octobre et à une période où le leader de la LCR présentait son livre sur Che Guevara à la télévision.

CONTREPOIDS

Mais il a aussi profité de l’image brouillée du Parti socialiste, qui apparaît englué dans ses querelles internes, désorienté par l’"ouverture" pratiquée par Nicolas Sarkozy, et jugé trop prudent sur les dossiers sociaux. "Le PS n’avance ni solution concrète ni ligne cohérente face à la politique de Nicolas Sarkozy. Il n’est pas en mesure de dessiner une alternative politique attendue à gauche", souligne Stéphane Rozès, directeur de l’institut CSA-Opinions.

Les Français étant à la recherche d’un discours d’opposition au gouvernement, M. Besancenot est crédité d’une "utilité" politique particulière, souligne l’institut BVA. En s’opposant au gouvernement, il joue le rôle de contrepoids à la politique de la droite.

Le satisfecit est notable dans les couches populaires : le leader de la LCR obtient 52 % d’opinions favorables dans la catégorie des ouvriers, 44 % chez les employés, 41 % chez les salariés du public et 52 % parmi les jeunes de 18-24 ans. "Il s’est installé à gauche", remarque Jérôme Sainte-Marie, directeur de BVA. "Les Français veulent le mettre en avant, un peu comme Arlette Laguiller autrefois : dans cette fonction tribunicienne et de contestation du courant dominant", explique M. Sainte-Marie. "Besancenot est celui qui n’a pas transigé", renchérit M. Rozès.

Reste que cette popularité est d’abord personnelle. "Il occupe une place autonomisée par rapport à sa famille politique", souligne-t-on chez CSA. Le constat est confirmé par les questions sur la proximité partisane du sondage BVA : seuls 3 % des sondés se sentent "proches" de la LCR, qui fait jeu égal avec Lutte ouvrière.

La direction de la LCR se sent confortée dans sa volonté de construire un "nouveau parti" à l’image de son leader. "Olivier est une figure de résistance, une référence pour tous les gens qui souffrent de la politique de Sarkozy. C’est cela qu’on veut essayer de transformer avec notre proposition", affirme Pierre-François Grond, membre du bureau politique.

Sylvia Zappi

D)La gauche c’est moi : article du Monde 12/12/2007

Il semble être partout. Olivier Besancenot occupe la scène politique comme jamais il n’a osé le rêver. Il est loin le temps où Alain Krivine présentait son jeune poulain, futur candidat à la présidentielle, aux journalistes en demandant : "Il est sympa non ?" Six ans plus tard, sa bouille de Tintin joufflu est désormais omniprésente à gauche, sur les écrans de télévision de Canal+ ou d’i-Télé, sur les ondes de radio, dans les colonnes du Parisien... Il trône même en double page dans Paris Match, assis sur un tabouret dans un bistrot du 18e, sous une photo de Che Guevara. Ultime consécration, une équipe de "Groland", émission parodique très appréciée chez les jeunes, s’est déplacée à son dernier meeting parisien le 22 novembre à la Mutualité.

Les enquêtes de popularité, qui le donnent sur les talons de Ségolène Royal et de Bertrand Delanoë, ne sont pas étrangères à cette soudaine présence médiatique. Ce fut d’abord BVA, qui attribua au jeune postier 40 % d’opinions favorables, juste derrière le maire de Paris, puis Ipsos, et enfin la Sofres. Olivier Besancenot, 33 ans, disputerait aux grandes figures socialistes la prééminence à gauche. Semblant donner ainsi raison à la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), qui prétend être devenue "la seule petite tour à gauche dans la débâcle".

A ses meetings, ses mentors, Alain Krivine et François Sabado, qui lui faisaient répéter ses textes jusqu’il y a peu, sont désormais assis au deuxième rang, en observateurs ravis de leur réussite. "Il est très bon", ne cessent-ils de répéter quand le jeune leader fait vibrer son public en assénant qu’il veut être "cette gauche qui ne lâche rien", résolument opposée à un PS qui n’est "nulle part" et qui devrait "réapprendre à porter des pancartes en manif". Ils se réjouissent même, eux qui n’ont connu la "Ligue" que marginale.

Ces aînés avaient parié sur "la rupture générationnelle" nécessaire après trente ans de candidature Krivine, pour tenter de concurrencer la popularité d’"Arlette" (Laguiller). Les résultats obtenus en 2002 - 4,27 % des voix -, et surtout les 4,08 % du scrutin présidentiel en mai 2007 (deux fois plus que Mme Laguiller et Mme Buffet, la candidate communiste), ont dépassé tous leurs pronostics, en installant définitivement Besancenot en tête de la gauche radicale.

Depuis un mois, c’est une étape supplémentaire qu’il semble avoir franchie : s’installer en concurrent direct d’un PS devenu trop raisonnable et ne sachant plus se démarquer de la droite. "Le PS n’incarne pas l’alternative et laisse un espace vide qu’occupe Besancenot", constate Vincent Tiberj, chercheur au Cevipof, le Centre de recherches politiques de Sciences Po. L’après-présidentielle a amplifié ce phénomène. Un sondage de l’IFOP pour Le Journal du dimanche, publié le 2 novembre, montre que 7 % des personnes interrogées voteraient aujourd’hui Besancenot. La poussée est particulièrement nette chez les ouvriers (12 %) et les employés (11 %). "Le PS apparaît sans ligne ni leader face à Sarkozy. A gauche, il reste le facteur comme seule opposition", analyse Jérôme Fourquet, directeur de l’IFOP.

Besancenot occupe le terrain militant en tentant, depuis la rentrée de septembre, de "coller" au plus près à l’agenda des luttes ouvrières. Il est partout, des mal-logés de la rue de la Banque à une manifestation de soutien aux "usagers de La Poste" à Colombes ou une conférence de presse contre le réacteur nucléaire EPR. Quand il intervient sur un plateau de télévision, il cite toujours un exemple de "salariés en lutte" rencontrés juste avant. Playtex, Yoplait, Nestlé, Citroën ou Well... Il relaie les colères ouvrières, les revendications de "gens à bout".

La grève se déclenche à la SNCF ? Il est le premier à soutenir publiquement les cheminots, déboule, la veille du mouvement, au dépôt de Sotteville-lès-Rouen pour demander "aux gars de tenir". Les "roulants" l’accueillent comme un des leurs. Au bord des cortèges, lors des grandes manifestations parisiennes, il est acclamé : "Tiens bon, Olivier ! Y a plus que toi." Dans les locaux syndicaux, ses interviews sont désormais affichées : "Il était déjà populaire, mais là il fait un carton", raconte son ami du 18e arrondissement, Basile Pot, aiguilleur à la gare de l’Est. "Il y a une telle confusion dans l’expression politique du PS que les gens se reconnaissent dans son langage clair", confirme Annick Coupé, porte-parole de Solidaires, l’union syndicale regroupant les SUD. "Il a eu l’intelligence de sentir qu’il y avait un espace politique inoccupé", reconnaît le député communiste Patrick Braouezec.

Le jeune leader de la LCR a su aussi, depuis 2001, montrer sa différence. Un look décontracté - éternel jean foncé et tee-shirt noir -, un langage simple et percutant avec des slogans travaillés, une posture de "salarié comme les autres" revendiquée contre les costumes-cravate des notables. Il affiche aussi bien son admiration pour Che Guevara que son amitié avec les rappeurs Joey Starr et Monsieur R. "Sur la scène politique, on a l’impression qu’il vient d’une autre planète", s’amuse Léon Crémieux, membre du bureau politique de la LCR.

Le style détonne à gauche mais plaît aux jeunes générations. "En intégrant de nouvelles thématiques comme l’écologie et l’altermondialisme, il a su structurer un électorat parmi les primo-votants", souligne le chercheur Vincent Tiberj. Dans la génération née entre 1977 et 1982, le vote Besancenot atteint 12 %.

Lui continue de travailler son ancrage "prolo" et jeune. Son image populaire fait l’objet de toutes les attentions de son équipe. Pour les interviews, il choisit Le Parisien et les gratuits comme Métro, 20 Minutes. Et il préfère répondre à RMC Info, "une radio populaire", plutôt qu’aux grands médias généralistes. "Pour beaucoup de travailleurs, ce sont les seules sources d’info. C’est devenu notre moyen de "com" politique", justifie Léon Crémieux. Sans oublier les radios de banlieue, "pour toucher les jeunes des cités".

Lundi 3 décembre, Olivier Besancenot s’est décommandé du débat sur l’état de la gauche organisé par Le Monde au Théâtre du Rond-Point avec Ségolène Royal. La discussion policée ne cadrait visiblement pas avec le profil de "super-délégué des luttes" de l’ancien candidat. Il a préféré se rendre dans l’est de la France pour soutenir des salariés de Kleber "menacés d’être jetés en 2008" et des ouvrières de Bergère de France "méprisées par leur tôlier".

Le vocabulaire est sciemment étudié, façon poulbot. Et très "pédago", pour rendre la politique accessible. A la différence de ses aînés, le jeune postier travaille ses interventions publiques. Fini le temps où Krivine griffonnait trois idées sur un ticket de métro avant ses meetings. Son cadet fait des fiches, demande des notes aux économistes de son organisation. "Quand il parle, c’est pas du théorique ni du bla-bla. Il reste très concret, et les gars comprennent tout de suite", assure Jérôme Ferard, cheminot de 29 ans à Melun et tout jeune adhérent. "Il sait raconter des histoires, des tranches de vie qui montrent à son auditoire qu’il est des leurs", insiste son ami Basile Pot.

Il a beau être le compagnon d’une éditrice de Flammarion et passer ses vacances aux Antilles, comme le dénoncent les blogs de l’UMP, il répète qu’il ne gagne "toujours que" 1 100 euros nets par mois, ne possède qu’une Clio et la "moitié" d’un deux-pièces, dans le 18e arrondissement de Paris, acheté à crédit. "Je me sens dix fois plus proche de mes collègues que n’importe quel autre homme politique", martèle le postier. Lors de son dernier meeting parisien, ses "potes" des centres de tri de Gennevilliers et de Neuilly-sur-Seine étaient venus en bande, un badge SUD épinglé sur leurs blousons bleu marine. "Il est le seul à proposer une vraie opposition à Sarko", assure Anthony Mornas, électrotechnicien, nouvelle recrue de l’étang de Berre.

La recette marche au point que les rangs de la LCR grossissent. Si l’organisation n’affiche toujours que quelque 3 000 militants, ses réunions connaissent une affluence grandissante. Sous l’influence du postier, la sociologie militante s’est modifiée : "Depuis 2002, la LCR a vu arriver des militants jeunes et de catégories plus populaires, sensibles au discours sur les conditions de vie dégradées", souligne Florence Joshua, une chercheuse du Cevipof qui a travaillé sur les fichiers de la LCR.

Le local de la "Ligue" reçoit régulièrement un coup de fil d’un délégué syndical demandant si Olivier Besancenot peut venir dans son entreprise pour médiatiser un conflit. Et les militants avouent que, sur les marchés, ils sont désormais plus écoutés. "Dites-lui qu’il a été bon à la télé", s’entendent-ils dire. Mais le nouveau leader ne veut pas s’emballer. "Arrêtez de dire qu’entre moi et Sarko y a plus personne, c’est faux", dit-il, conscient du piège tendu. Il sait que les municipales ne sont guère favorables à son organisation et qu’à cette occasion, le PCF comme les Verts pourront encore faire la preuve de leur ancrage.

Le lancement d’un nouveau parti anticapitaliste, en lieu et place de la LCR, est toujours programmé pour 2008. "On sent que ça mord, mais c’est pas la déferlante", avoue M. Besancenot. Le congrès de la LCR n’est plus que dans un mois : il ne voudrait pas que les attentes soient déçues - un "petit" congrès ne serait pas à la hauteur de celles suscitées par sa popularité. "Son succès est un artefact total : c’est l’image de Besancenot qui draine des voix, pas la LCR ni son projet", prévient M. Tiberj. "Ce qui compte, c’est pas les sondages, mais le résultat électoral", répond l’intéressé. Le rendez-vous est déjà pris pour 2012.

de Sylvia Zappi

E) Besancenot, héraut de « la gauche qui ne lâche rien » Article du Figaro

La crise du PS et du PCF fait les affaires du leader de la LCR.

Olivier Besancenot sent que « ça mord ». Et depuis la présidentielle, où il a été le seul candidat à la gauche du PS à frôler la barre des 5 %, il ne cesse de le répéter. Quand, le mois dernier, le Parti socialiste cherchait une issue au conflit social sans y avoir pris part effectivement, le porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) était, lui, de toutes les manifestations, de tous les défilés. Une usine se met en grève ? C’est encore lui que l’on voit sur la photo des quotidiens régionaux.

Début décembre, il s’est même offert le luxe de se décommander d’un débat sur l’état de la gauche, organisé par Le Monde, en présence de Ségolène Royal, pour aller soutenir des salariés grévistes dans l’est de la France.

Quand le PS, englué dans ses querelles d’appareil, s’interroge sur ses alliances avec le centre - dans son livre, Royal écrit qu’elle avait envisagé de proposer Matignon à Bayrou si elle avait été élue -, Besancenot occupe le terrain et s’impose en premier opposant au gouvernement. La nature n’aime pas le vide : « La gauche qui ne lâche rien », c’est lui, dit-il.

Longtemps suspicieux à l’égard des médias, Besancenot en joue aujourd’hui, en « pro » de la politique. Désormais, il entend maîtriser son image. Présent sur tous les plateaux télé, il pose également dans Paris Match, comme les grands. Le week-end dernier, il était l’invité d’honneur du parti frère en Italie. Après-demain, c’est aux Antilles qu’il doit dédicacer son livre consacré à Che Guevara, son modèle revendiqué.

Cette omniprésence dans les médias, y compris « dans la presse bourgeoise », comme s’en amuse son mentor Alain Krivine, contraste avec la stratégie de Lutte ouvrière, le parti d’Arlette Laguiller qui, lui, entretient toujours le culte de la clandestinité. Comme le montre la tenue il y a deux semaines du congrès de LO, loin des caméras...

Un nouveau parti

Ce « boulevard » laissé à gauche par le PS et un PCF qui peine à trouver sa place et sa stratégie sera-t-il payant ? Les indicateurs, pour l’heure, semblent au vert pour le postier de Neuilly. Selon un sondage TNS Sofres du 5 décembre, 30 % des sympathisants de gauche le choisissent comme la personnalité représentant le mieux l’opposition. Une autre enquête BVA pour L’Express, à paraître demain, place Besancenot à 61 %, juste derrière Royal (65 %) et Delanoë (62 %), mais loin devant Hollande (44 %), parmi les personnalités que les électeurs de gauche souhaitent voir jouer un rôle pour les prochaines années. Pour cela, il entend abandonner la référence au trotskisme, dans le cadre d’un nouveau parti « anticapitaliste », qu’il pourrait lancer dans un an et qui rassemblerait au-delà de la LCR. Notamment auprès du mouvement social et des altermondialistes. Là encore, Besancenot sent que « ça mord ».

de Rodolphe Geisler http://www.lefigaro.fr/politique/20...


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