La République

vendredi 12 juillet 2019.
 

- A) République : Essai de définition

- B) Remarques à partir de l’étymologie res publica
- B) La république comme émanation de l’activité politique du peuple
- A) Etude d’un texte républicaniste simpliste
- La République comme identifiant politique du Parti de Gauche
- l’épopée des aspirations populaires en Europe durant deux millénaires
- une philosophie politique repérable
- un concept fourre tout

D) Révolution française et idéal républicain français

D1) La Révolution française

Elle marque une césure dans l’histoire du concept de république. Nous pouvons même considérer qu’il s’agit d’une seconde naissance induisant de nouvelles caractéristiques.

Parmi les évènements historiques, notons particulièrement :

- le contexte d’immense mobilisation populaire dans laquelle elle s’inscrit : De 1773 à 1802, longue période de poussée populaire, démocratique et révolutionnaire

La Guerre des farines, 1er grand mouvement social contre le libéralisme

Cahiers de doléances de 1789 (tiers-état, clergé, noblesse, Etats généraux)

1788 1789 Une situation prérévolutionnaire : Journée des Tuiles, Assemblée de Vizille, Etats de Franche-Comté, Etats de Bretagne..

Printemps 1789, la crise prérévolutionnaire s’aggrave : émeutes de Marseille, Aix, Besançon et Amiens, émeute Réveillon

La naissance d’une souveraineté populaire par un double pouvoir populaire et par une assemblée nationale élue

4 et 5 mai 1789 : Ouverture des Etats généraux à Versailles

17 juin 1789 Les députés du Tiers état se proclament Assemblée nationale et s’octroient le vote de l’impôt

20 juin 1789 Serment du Jeu de Paume, symbole du combat pour la souveraineté populaire

23 juin 1789 : "Nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes"

14 juillet 1789 : la prise de la Bastille

Grande peur paysanne et révolution municipale : double pouvoir et nouveau pouvoir

4 août 1789 Abolition des droits seigneuriaux par l’Assemblée nationale

Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (votée le 26 août 1789)

5 octobre 1789 Quand la masse des femmes entre en révolution

l’importance de l’implication citoyenne et révolutionnaire du 10 août 1792 au 27 juillet 1794 et des orientations politiques de la Convention

D2) Le ciment républicain français

Christophe Charle : "Les bases solides de la République" Entretien réalisé par 
Anna Musso Jeudi, 15 Janvier, 2015 L’Humanité

Pour Christophe Charle, l’idéal républicain français, très spécifique, reste un ciment efficace qui va à l’encontre de l’idée propagée ces dernières années d’un déclin de la citoyenneté, d’un désintérêt croissant pour le politique et l’engagement.

Les graves événements qu’a connus notre pays révèlent-ils une fragilité de notre socle laïque  ?

Christophe Charle La mobilisation spontanée de la population et des citoyens le soir même de l’attentat contre Charlie Hebdo, puis le défilé de dimanche montrent qu’il existe heureusement encore une large convergence entre les individus ordinaires et le cadre institutionnel sur les valeurs essentielles mises en cause par ces crimes. Cela va à l’encontre de l’idée propagée ces dernières années selon laquelle il existe une espèce de déclin de la citoyenneté, de désintérêt croissant pour le politique et l’engagement. Or, on constate que, dans des circonstances tragiques, graves, une communication peut exister entre une démocratie à la base et la démocratie représentative. C’est un élément d’espoir qui montre que les bases de la laïcité et de l’idéal républicain et démocratique français sont relativement solides. Relativement, car ces événements ont aussi révélé des fragilités, je pense au développement des actes et violences antisémites ou anti-musulmanes. La laïcité française est toujours une notion difficile à faire comprendre dans des milieux où la religion est vécue comme quelque chose d’inattaquable, d’indiscutable. Or, le fondement de la laïcité est précisément cela  : la religion est une affaire privée, ce n’est pas une affaire qui engage la collectivité publique. Il y a des pays, y compris en Europe occidentale, où cette notion ne passe pas du tout. Et beaucoup de personnes qui viennent de ces pays ou dont les familles partagent cette culture héritée ont du mal à le comprendre, ou même n’acceptent pas ce modèle qui est très particulier à notre pays. Les fondements restent solides mais il existe une série de groupes présents en France, qui, eux, se réfèrent à un autre modèle, non laïque, tout en proclamant leur citoyenneté française et républicaine.

En quoi la France a-t-elle un rapport si singulier avec la laïcité  ?

Christophe Charle La France est très décalée par rapport aux autres pays, même voisins. Construit au cours du XIXe et au début du XXe siècle, ce modèle laïque reste très spécifique. Il n’a pas été universalisé complètement ailleurs ou de façon partielle. En 1905, avec la loi de séparation des Églises et de l’État, a été posée la dernière brique à l’édifice de la laïcité. Celle-ci stipule que la République française ne reconnaît ni ne salarie aucun culte. Cela dit, même cet article ne peut être toujours rigoureusement appliqué. Dimanche, François Hollande était présent en tant que président de la République dans une synagogue, en hommage aux victimes juives. Je pense que, pour les rédacteurs de la loi de 1905, cela aurait représenté une atteinte à leur conception de neutralité religieuse de l’État.

D3)) République des 5 continents

Les républiques fondatrices en France (1848, 1870 1871, 1945), en Amérique latine, en Espagne (1ère et 2ème), en Italie... peuvent être analysées

Il serait trop long de développer ici l’histoire de ces républiques. Je pointe seulement que l’action citoyenne du peuple, la prise en compte de l’intérêt du peuple, du bien du peuple y constituent des repères évidents de leur expérience.

Ainsi, la REPUBLIQUE a représenté un identifiant progressiste en France depuis 1792.

Considéré comme un fruit de l’histoire de notre pays depuis la Révolution française, le concept de République présente effectivement des caractéristiques repérables. Pour moi,il a le sens que nous lui donnions dans l’association Pour la République Sociale, celui de République démocratique, laïque et sociale héritée de combats parmi lesquels résonnent 1793 1794, 1848, 1871, 1905, 1934 à 1936, 1946...

Considéré comme un concept politique universel et universaliste, il a touché au moins toute l’Europe et l’Amérique latine. Ainsi, l’historien socialiste allemand Aloïs Schumacher définit l’orientation du SPD entre 1870 et 1914 comme orienté vers « une république sociale et égalitaire qui rejette à la fois la monarchie constitutionnelle de type prussien et le républicanisme bourgeois opportuniste et affairiste... Le SPD refuse les crédits de guerre contre la France républicaine et condamne l’annexion de l’Alsace Lorraine. »

L’impact de la Révolution française est évident :

- sur les jacobins et chartistes anglais Angleterre : le premier mouvement ouvrier et socialiste de masse

- sur la guerre de libération grecque France Grèce : interaction révolutionnaire de 1769 à 1830

- sur la révolution belge de 1830, sur la révolution hongroise de 1848,

- sur l’Italie de Buonarotti et Garibaldi

- sur l’Amérique latine de Bolivar Révolution Française et Révolution Bolivarienne

L’impact retour des luttes, expériences et révolutions d’autres peuples sur la tradition républicaine française est tout aussi évident.

D) Philosophie politique La République démocratique et sociale

D1) République sociale et socialisme

Durant le 19ème siècle, les tenants de la République sociale et les combattants du socialisme représentent un seul et même courant.

« La social-démocratie allemande des années 1970 à 1914 est internationaliste, pacifiste, acquise à la solidarité européenne, voire mondiale... Sa pratique politique l’oriente vers une république sociale et égalitaire qui rejette à la fois la monarchie constitutionnelle de type prussien et le républicanisme bourgeois opportuniste et affairiste » (Aloïs Schumacher)

« La Commune de Paris apporte aux socialistes européens un premier exemple d’organisation politique du Prolétariat, la République sociale. » (Marita Gitti)

D) Les définitions menteuses actuelles

En ce début de 21ème siècle, la plupart des réponses à cette question : qu’est-ce que la république ? cherchent uniquement à justifier les régimes politiques antidémocratiques actuels. En voici par exemple 5 relevés dans ds classiques du républicanisme et sur les premières occurrences du web :

- > La République est l’ensemble des biens, des droits, des prérogatives de la puissance publique et des services propres à un État dont le chef est désigné de façon non héréditaire. Dans ce sens, république désigne le régime politique antinomique de royaume, empires ou principauté, ce qui n’implique pas qu’elle soit démocratique, toute dictature étant une république. Wikipedia

- > Une république est un gouvernement non monarchique dont le fonctionnement est réglé par une constitution. Il s’agit d’un régime politique, c’est à dire une méthode d’organisation du gouvernement de l’Etat suivant les principes suivants : le dirigeant est choisi parmi un grand nombre de personnes ; la durée du mandat est bornée dans le temps. http://his.nicolas.free.fr/Institut...

A) Luttes populaires, philosophie politique et république

- > La République comme utopie politique au Moyen Age et durant la Renaissance :

Question Quoi ?

Jaurès définit République

- un journal bihebdomadaire du mouvement républicain au début du 20ème siècle (se reconnaissant à la fois de Clémenceau et de Jaurès).

A) Qu’est-ce que la république ? Etude d’un texte républicaniste simpliste

Mon lecteur peut consulter à l’adresse URL suivante (http://www.culturegenerale.free.fr/...) le texte du site officiel de préparation aux concours de cadres de la fonction publique (catégories A et B) que je vais critiquer ci-dessous. Cet écrit de Monsieur GUY-GRAND pèche par une grande faiblesse théorique, historique, argumentative et dans son lien à la réalité comme c’est souvent le cas dans la tradition républicaniste.

La république désigne la chose publique, la chose commune, en opposition à la chose de quelques uns ou d’un seul. Elle fait référence au but du pouvoir qui est l’intérêt général. J’ai bien connu dans mon enfance des personnes qui ont manifesté en 1940 pour "défendre la république" ; pour eux le mot de république était porteur d’un contenu bien plus riche que cela sinon ils n’auraient pas pris le risque de manifester.

A1) Rome et la république

Pour valider son point de vue, le rédacteur du pensum préparant au concours de cadres de notre république ajoute un charabia surprenant Rome est une respublica car l’existence d’une chose commune y est consacrée. Cette chose commune appartient au citoyen et non à l’empereur. Ce dernier est là pour la garantir mais elle ne lui appartient pas.

Premièrement, la république romaine cesse avec le début de l’empire ; les tribuns de la plèbe, par exemple, sont dorénavant choisis par le Sénat (club des oligarques) sur une liste proposée par l’empereur ; le concile plébéien perd ces pouvoirs législatif, judiciaire et électoral ; même les consuls ne sont plus élus par les comices.

Deuxièmement, encore une fois, en caractérisant seulement la république par "l’existence d’une chose commune", presque tout régime est républicain.

Troisièmement dans la république romaine, cette "chose commune" appartient surtout au Sénat, composé des patriciens (c’est à dire les riches et puissants), pouvoir en partie contrebalancé par le double pouvoir des institutions plébéiennes.

A2) République et monarchie absolue

À l’époque de la Renaissance, la république est considérée comme une forme de gouvernement stable à condition qu’elle soit basée sur la force. Ainsi J. Bodin considère que tout gouvernement légitime est une république... Pour lui une monarchie peut tout à fait être républicaine si elle tend au bien commun et si elle respecte les droits fondamentaux des « francs sujets ». Ces droits seront d’autant mieux assurés que l’État conserve le monopole de la force et de la violence, le merum imperium, et que le souverain crée et applique la loi sans délibérations préalables. La république n’est donc pas synonyme de liberté et n’a pas encore le sens que nous lui accordons aujourd’hui. Je ne considère absolument pas la monarchie absolue comme une république, même si le roi prétend se préoccuper de la "chose commune".

A3) Le sens de république depuis la Révolution française

La république a partie liée à la démocratie dans la mesure où le principe essentiel sur lequel elle est basée est la souveraineté du peuple, de la nation... Ce principe de souveraineté est à la base de la révolution française : le Tiers État, qui représente le peuple, se déclare assemblée nationale le 17/6/1789. Le peuple remplace le roi en tant que détenteur de la souveraineté. Depuis la fin du XIXe siècle donc, une république souveraine est une république où le peuple détient le pouvoir, c’est-à-dire une république démocratique et non monarchique comme le concevait Bodin.

Je suis tout à fait d’accord sur le lien entre république et démocratie, les deux étant fondées sur la souveraineté du peuple. Ceci dit :

- le 17 juin 1789, le peuple ne remplace pas le roi en tant que détenteur de la souveraineté. Les députés du Tiers Etat se proclament seulement Assemblée nationale et s’octroient le vote de l’impôt ; la constitution qu’ils installent est basée sur le vote censitaire (seuls les riches votent) et sur le maintien d’un rôle central du roi (droit de veto, direction de l’exécutif...). Je ne donne toujours pas à ce régime l’appellation de république.

- est-ce que depuis la fin du XIXème siècle "le peuple détient le pouvoir" et que la république française est, en conséquence démocratique ? Voilà de bien grands mots. Va pour accepter le terme de république pour les institutions installées par le général De Gaulle en 1958 mais je ne dirai jamais qu’il s’agit d’une république démocratique.

De la 5ème république en crise à une 6ème république citoyenne

A4) Principes et valeurs républicaines

Le même texte avance trois grands principes républicains :

- « la primauté du pouvoir législatif sur le pouvoir exécutif, de la loi sur le décret. Ce principe découle directement du fait que c’est le peuple qui est souverain et qui délègue cette souveraineté à une assemblée nationale élue. » Je suis d’accord sauf que le peuple devrait mieux conserver sa souveraineté par exemple lorsque des élus trahissent leurs promesses. De plus, certaines phrases qui suivent ne sont en rien républicaines, par exemple celle-ci concernant la 4ème république Le règne des partis s’exerçait contre l’intérêt général, qu’un gouvernement fragilisé par leur inconstance et leur calcul à court terme, ne pouvait rechercher et atteindre pleinement.

- La république moderne a en commun avec la république antique la recherche de l’intérêt général. C’est le second principe républicain. Pour ce faire, l’État républicain doit s’attacher à unifier la nation autour de valeurs communes et à ne pas faire de discrimination entre ses citoyens. C’est à l’État central de fabriquer de l’unité à partir du multiple. C’est en partie pourquoi la France est un pays si centralisé. La centralisation française découle de ce principe, c’est-à-dire de la volonté étatique de préserver l’intérêt général. Aucun corps intermédiaire ne doit s’interposer entre les citoyens et l’État. Comme le souligne Pierre Rosanvallon, « La révolution n’a laissé debout que des individus face à l’État ». La loi Le Chapelier de 1791 qui abolit les corporations s’inscrit dans cette volonté de suppression des corps intermédiaires qui érigent leur intérêts particuliers contre l’intérêt général. Avec une telle définition de la république, je comprends que beaucoup de préfets se sentent héritiers des intendants de la monarchie absolue. Le prétendu intérêt général ne sert qu’à tromper les citoyens. D’ailleurs, la loi Le Chapelier n’est rien d’autre qu’une loi d’intérêt privé au service des employeurs, plus même que le CPE ou la loi El-Khomri ; de plus, Le Chapelier défend la monarchie constitutionnelle comme forme institutionnelle car son principal souci n’est pas l’intérêt général mais la fin de la Révolution française.

La loi Le Chapelier de 1791, symbole de répression bourgeoise et non de république progressiste

- Troisième principe républicain, l’école se voit assigner la tâche d’éduquer les individus-citoyens Oui, mais l’argumentation et les propositions sont bien pauvres.

- Quatrième valeur républicaine forte. La promotion sociale c’est la possibilité que doivent avoir les enfants de dépasser leurs parents dans la hiérarchie sociale. La république est un cadre politique et social qui doit garantir l’égalité des chances. C’est l’école qui offre cette possibilité à chacun en transcendant les inégalités dues à la naissance. Je ne sais à quoi pensait l’intellectuel qui a écrit cela mais certainement pas à la réalité très majoritairement vécue par les enfants de milieux ouvriers et paysans.

-  le cinquième pilier de la république est la laïcité. La république française est laïque, c’est-à-dire qu’elle instaure la séparation du théologique et du politique. D’une part, Église et État sont séparés et d’autre part l’État est neutre à l’égard des différentes religions qui sont tolérées au sein de la république. Cette prétendue neutralité laisse de côté les enjeux sociétaux et politiques de la laïcité depuis deux siècles.

A) Luttes populaires et philosophie politique : l’Antiquité

A1) Luttes populaires et république

Grèce antique : révolutions, tyrannie et progrès de civilisation

Retour sur les origines de la démocratie, Athènes (par Pierre Khalfa)

Aristote et Platon théorisent, au 4ème siècle, à partir de ce qui a été réalisé un à deux siècles avant eux.

A) La République comme identifiant politique du Parti de Gauche

Le Parti de Gauche s’est choisi trois identifiants politiques qui figurent en tête de son site comme sur ses drapeaux : Ecologie, Socialisme, République. Il est donc important pour informer les citoyens, pour former ses militants comme pour débattre avec ses partenaires politiques que le contenu de chacun de ses concepts soit précisé.

Or, ni gauche, ni écologie, ni socialisme, ni république ne sont des concepts univoques, c’est à dire n’ayant qu’un sens facile à définir en quelques mots.

J’ai mis en ligne sur ce site des articles sur la gauche, l’écologie et le socialisme.

Socialisme ! histoire, anticapitalisme, idéal, camp social, théorie, parti

Qu’est-ce que la Gauche ?

Parti de Gauche pour une gauche de gauche

Texte préparatoire au forum écologique du Parti de Gauche (23 janvier 2009)

Je suis tout à fait d’accord avec la présence de REPUBLIQUE concept parmi les trois identifiants du Parti de Gauche. Cependant, de notoriété publique :

- l’écologie concerne l’environnement

- le socialisme défend la justice sociale et la propriété sociale

- la république correspondrait à une politique d’intérêt général. Le problème, c’est que ce prétendu intérêt général a tellement été galvaudé pour défendre l’intérêt des riches au détriment des pauvres que cela ne peut servir de sésame pour comprendre REPUBLIQUE (sauf pour quelques carriéristes qui préfère maintenir l’ambiguité de leurs positions politiques).

L’identifiant REPUBLIQUE a donc besoin d’être complété par une analyse historique et un contenu pour être utile et compréhensible.

C) Quel contenu pour la REPUBLIQUE

C1) Dis-moi qui tu fréquentes, je te dirai qui tu es

Ce dicton concernant les individus peut s’avérer utile pour approcher le sens du concept de République.

Jean Jaurès, par exemple, considère ceux de république et de démocratie comme synonymes. Pour l’essentiel, je suis d’accord. Ainsi, la meilleure définition de la république me paraît être la même que pour démocratie.

« La démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple. » (Abraham Lincoln, président des Etats Unis de 1860 à 1865, proche du socialisme)

« La république est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple. »

Daniel Bensaïd évoque les jumelles inséparables république et révolution porteuses des mêmes émancipations.

Le courant français de la république sociale a toujours été proche ou a fait partie du socialisme. Cela me convient parfaitement.

C2) Des valeurs républicaines ?

ABRAHAM LINCOLN

Ma définition : République = souveraineté populaire

La seule caractérisation courte et cohérente de la république me paraît être :

Une république est un système politique dans lequel le pouvoir appartient au peuple

Cela correspond à la définition romaine durant les deux derniers siècles (même si ce fut l’objet d’incessantes batailles politiques). Cela correspond aussi à la définition héritée de la révolution française dans la tradition de la République démocratique, laïque et sociale.

Plusieurs définitions données par les dictionnaires et sites web français commencent par une phrase généralement proche de celle-ci. C’est le cas par exemple du site web La Toupie La république est un système politique dans lequel la souveraineté appartient au peuple qui exerce le pouvoir politique directement ou par l’intermédiaire de représentants élus

B) Un concept fourre tout en France

B1) Dans ses différents sens employés dans l’histoire

La république, telle que définie par Jean Bodin (théoricien politique français du 16ème siècle), est une monarchie de droit divin ; il est seulement intéressé par la grandeur de la France et par la stabilité de son pouvoir royal.

En 1832, l’oligarchie financière présenta le roi Louis-Philippe comme "la meilleure des républiques".

Les "républicains d’ordre" de 1871 firent massacrer les républicains émancipateurs de la Commune de Paris.

B2) Dans ce qu’il signifie pour divers courants d’idées

Ainsi, le Dictionnaire critique de la République propose 26 chapitres dont :

- La République démocratique et sociale

- La République des radicaux

- La République des socialistes

- La République des opportunistes

- La République des gaullistes

- La République des francs-maçons et libres penseurs

- La République des nationalistes

B3) Dans les définitions données par les dictionnaires et sites

Mon Petit Larousse donne une définition correspondant bien à la nature présidentielle peu démocratique de la 5ème république : Forme d’un Etat dont le chef porte la dénomination de président et est élu, pour un temps déterminé à l’avance, soit directement par le peuple, soit par ses représentants.

L’article "république" du dictionnaire encyclopédique Quillet de 1934 apportait les précisions suivantes "Chose publique, intérêt général. Etat, quelle que soit la forme de gouvernement. Le mépris des lois est le fléau de toute république.Etat où le gouvernement est exercé par des représentants de la nation, élus pour un temps et responsables."

Parmi les définitions actuelles de Wikipedia, certaines mériteraient bataille pour les modifier : "République désigne le régime politique antinomique de royaume, empires ou principauté, ce qui n’implique pas qu’elle soit démocratique, toute dictature étant une république."

Le site philosophique Dicophilo dégage des pistes intéressantes : "République (nom commun). État régit par des lois. Régime politique n’étant ni monarchique ni impérial. Régime politique où le peuple exerce la souveraineté. (Philosophie politique) État qui promeut des valeurs substantielles, par opposition à l’État libéral."

B4) Dans les définitions données par des philosophes et personnalités républicaines

« Tout État régi par des lois, sous quelque forme d’administration que ce puisse être ; car alors seulement l’intérêt public gouverne et la chose publique est quelque chose. Tout gouvernement légitime est républicain. » (Jean-Jacques Rousseau)

Pour Maurice Agulhon, historien, excellent connaisseur du courant républicain du 19ème siècle, la République se définit « par un contenu politique précis de liberté et de laïcité »

B5) Dans les définitions données par des ouvrages spécialisés

"Qu’est-ce que la république ? Une succession de régimes et un ensemble d’institutions, une multiplicité de symboles et une pluralité de significations, d’idées, de valeurs, que lui ont conférés une fourmillante histoire de plus de deux siècles." (Dictionnaire critique de la République)

B) République, un concept politique fourre tout dans le monde

B1) Fourre tout par les expériences historiques ayant revendiqué le nom de république

- la république romaine

- les Républiques de Gênes et de Venise au Moyen Age

- la République des Provinces-Unies des Pays-Bas

- la République des Deux Nations (Pologne, Lituanie) du 16ème à la fin du 18ème siècle

- la République de Genève

- la République du Bouregreg (17ème siècle)

B2) Fourre-tout au niveau international car se revendiquent de la république des courants politiques extrêmement divers

Le plus connu est le Parti républicain US, indiscutablement ancré à droite, qui comprend plusieurs sensibilités, pour l’essentiel, non contradictoires :

- un conservatisme défenseur d’ordre moral

- la droite religieuse (mormons, juifs orthodoxes, évangéliques, catholiques traditionalistes et autres chrétiens fondamentalistes)

- le libertarisme (dont le tea party) adepte d’un rôle minimum de l’Etat fédéral et d’une liberté individuelle (dont économique, port d’arme sans limite) maximum

- le nationalisme sécuritaire et protectionniste

- le néo-conservatisme essentiellement tourné vers le maintien d’une suprématie unilatérale impérialiste des USA sur le monde

En Allemagne, Les Républicains (Die Republikaner, REP) est un parti politique d’extrême droite, partenaire du Front National, dont la figure la plus connue est Franz Schönhuber, ancien membre de la Waffen-SS qu’il réhabilite dans ses écrits

Les résultats électoraux des Républicains allemands sont irréguliers car d’autres partis lui disputent la suprématie politique sur l’extrême droite allemande dont le NPD (néo-nazi) et la DVU (Union populaire allemande) avec lesquels le REP a tenté plusieurs fois un rapprochement.

Le Parti républicain italien est une organisation politicienne bourgeoise typique mangeant à tous les râteliers (sans aucune alliance acceptée à gauche du Parti Socialiste), y compris au sein de Forza Italia puis le Peuple de la liberté berlusconien.

Le républicanisme irlandais présente un aspect patriote face à la domination anglaise mais aussi égalitariste dans la tradition de la révolution française. En Irlande du Nord, l’IRA (Irish Republican Army) a mené un long combat contre l’oppression des milieux populaires et catholiques.

5 mai 1981 : Assassinat de Bobby Sands par Margaret Thatcher et les conservateurs britanniques

En république d’Irlande, le Sinn Féin a mené campagne contre les traités européens (contre le Traité de Lisbonne lors du référendum de 2008). Au Parlement européen, il est membre de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (GUE/NLG) .

A6) Concept fourre-tout comme l’analyse bien Claude Nicolet, historien français du républicanisme

« ... La république est donc multiple et s’avance masquée... Pour s’entendre, il faut prêter à la république, un nombre presque infini d’épithètes, d’attributs et de génitifs possessifs... Nous avons eu des Républiques girondine, montagnarde, thermidorienne, directoriale, césarienne, impériale, une république des ducs... des Républiques conservatrices, opportunistes, libérales, radicales, démocratiques ; une République bourgeoise mais aussi d’autres, sociales ou socialistes : la mariée est bien trop belle. »

C) République : concept fourre-tout dans son sens légué par l’histoire

La république, telle que définie par Cicéron par exemple, correspond aux intérêts des milieux oligarchiques romains ; cette république est impérialiste, esclavagiste, réactionnaire et profondément misogyne.

B) Républicain, une identité souvent diluée et galvaudée

B1) Le sens de Républicain, d’après Claude Nicolet

Dans son ouvrage incontournable intitulé L’idée républicaine en France, cet auteur valorise le terme de républicain qu’il considère moins polysémique, plus fondé sur un contenu.

A l’inverse (de République), l’adjectif républicain semble retrouver par instants une valeur précise et unitaire... "Appel aux Républicains", "Parti républicain" sont des expressions opératoires dont dernière se retrouve encore en 1924 pour désigner l’ensemble de la gauche à l’exclusion des communistes.. Par delà les bouleversements de la guerre et de la Résistance, c’est significativement, sous le sigle éphémère du "Front républicain" que tente de se reconstituer, en 1956, à peu près la même alliance.

Mais il y a mieux. On constate en effet que le mot républicain utilisé isolément, sert de manière beaucoup plus sérieuse à caractériser, et cette fois de façon historiquement précise, des institutions sociales et politiques... par exemple un droit public et un droit administratif assurément républicains. Il y a même un droit civil républicain, qui s’est dégagé, au cours des temps, du Code civil napoléonien, lequel devait déjà beaucoup à la Première république...

Nous trouvons mieux encore : il y a une science républicaine... une philosophie républicaine... il y a surtout une morale républicaine... Il y a une tradition, une doctrine, une théorie républicaines : ce ne sont pas là des vues de l’esprit mais le catalogue de toute une littérature persévérante. Et ces opinions, ces doctrines, ces institutions républicaines sont en tant que telles, selon le contexte, opposables à des opinions qualifiées selon les cas de chrétiennes, de religieuses ou même de métaphysiques, de socialistes, de marxistes, de "fascistes" ou de "totalitaires".

Autant dire que le mot républicain a une valeur idéologique... A la manière de toute idéologie, il prétend exprimer une attitude mentale, une certaine présence au monde et une explication du monde, un comportement qu’aurait - ou que devrait avoir en commun- tous ceux qui se réclament de lui... On n’invoque guère la République que lorsque sont en cause, derrière l’agitation et les prétextes, les choses vraiment fondamentales - c’est d’ailleurs la raison pour laquelle on l’a pas ou peu invoquée en 1968.

B2) L’idée républicaine

Claude Nicolet explique bien son objectif « Considérer l’histoire de la république comme celle d’une idéologie, c’est à dire d’une opinion, d’une représentation... Ces idées, cette idéologie, m’intéressaient en elles-mêmes... pour leur cohérence, leur portée, leurs limites subjectives, chez ceux qui les avaient inventées ou professées. »

https://books.google.fr/books?id=yS...


« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion (…). Son principe est : « gouvernement du peuple, par le peuple, et pour le peuple ». Constitution française de 1958, article 2.

La république désigne la chose publique, la chose commune, en opposition à la chose de quelques uns ou d’un seul. Elle fait référence au but du pouvoir qui est l’intérêt général. La démocratie, selon la célèbre formule du président américain L. Jhonson, « c’est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». La démocratie désigne donc le titulaire du pouvoir, c’est-à-dire le peuple. République et démocratie renvoient donc à deux réalités différentes, les valeurs qui les caractérisent sont diverses mais souvent complémentaires. Aussi, une république est-elle forcement démocratique ? Le peuple doit-il détenir le pouvoir pour que le bien commun soit atteint ? République et démocratie s’opposent-elles ou se complètent-elles de nos jours en France ?

- République et démocratie renvoient à des significations différentes -

La république

La res publica, littéralement la « chose publique » en latin, désigne l’objet du pouvoir. L’objet du pouvoir, c’est le bien commun. B. Kriegel nous dit fort justement que la république répond à la question « quoi ? ». Qu’est-ce que le but du pouvoir ? Le bien commun, l’intérêt général. Cette forme de pouvoir est tout d’abord apparue chez les Grecs. Platon et Aristote voyaient dans cette forme de gouvernement la marque d’un État stable dont la finalité était la poursuite de l’intérêt général. La république pour Aristote est le régime qui recherche la satisfaction des intérêts de tous les citoyens et non de quelques intérêts particuliers.

Si la définition de la république est d’origine grecque, sa consécration date de l’époque romaine. Rome est une respublica car l’existence d’une chose commune y est consacrée. Cette chose commune appartient au citoyen et non à l’empereur. Ce dernier est là pour la garantir mais elle ne lui appartient pas. Elle le transcende. Mais si la république romaine vise le bien commun, elle n’est pas pour autant synonyme de justice puisque les citoyens n’y sont pas égaux. Tout comme chez les Grecs, les individus qui accèdent au rang de citoyens sont peu nombreux tandis que nombre d’entre eux sont des esclaves.

À l’époque de la Renaissance, la république est considérée comme une forme de gouvernement stable à condition qu’elle soit basée sur la force. Ainsi J. Bodin considère que tout gouvernement légitime est une république et que celle-ci doit s’accommoder d’un État fort, quasi monarchique. Pour Bodin une monarchie peut tout à fait être républicaine si elle tend au bien commun et si elle respecte les droits fondamentaux des « francs sujets ». Ces droits seront d’autant mieux assurés que l’État conserve le monopole de la force et de la violence, le merum imperium, et que le souverain crée et applique la loi sans délibérations préalables. La république n’est donc pas synonyme de liberté et n’a pas encore le sens que nous lui accordons aujourd’hui.

En effet, depuis la révolution française, la république renvoie à la forme du régime, mais également à un ensemble de valeurs qui la légitime. La république a partie liée à la démocratie dans la mesure où le principe essentiel sur lequel elle est basée est la souveraineté du peuple, de la nation. L’article 3 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen énonce que « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. ». De même, depuis 1884, il est inscrit dans les constitutions françaises démocratiques successives que « la forme républicaine du gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision ». Mais pendant pratiquement un siècle, de 1789 à la fin du XIXe siècle, ce principe de souveraineté n’est pas appliqué concrètement, la persistance de pouvoirs et de régimes autoritaires entravant sa concrétisation. Il est pourtant à la base de la révolution française : le Tiers État, qui représente le peuple, se déclare assemblée nationale le 17/6/1789. Le peuple remplace le roi en tant que détenteur de la souveraineté. Depuis la fin du XIXe siècle donc, une république souveraine est une république où le peuple détient le pouvoir, c’est-à-dire une république démocratique et non monarchique comme le concevait Bodin. Mais nous y reviendrons.

En France, principal pays démocratique développé dans lequel la république est la forme de gouvernement officielle depuis deux cent ans, il existe des valeurs dites républicaines qui se sont construites et solidifiées entre la Révolution et la fin du XIXe siècle.

La première d’entre-elles est la primauté du pouvoir législatif sur le pouvoir exécutif, de la loi sur le décret. Ce principe découle directement du fait que c’est le peuple qui est souverain et qui délègue cette souveraineté à une assemblée nationale élue. La loi est donc magnifiée, glorifiée. La république garantit la liberté des citoyens par le droit et non par la force. La loi n’est pas décidée autoritairement mais débattue de manière collégiale. Pour Rousseau, elle est l’expression de la volonté générale. Le primat de la loi a longtemps caractérisé l’idée républicaine même si cette prééminence a de nos jours du plomb dans l’aile. En effet, la V république de 1958 a créé un déséquilibre très important entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif au profit du premier, notamment en encadrant le rôle du parlement qui voit ses compétences affaiblies. Les IIIe et IVe républiques se caractérisaient au contraire par la primauté du législatif, omnipotent, sur l’exécutif. L’action du gouvernement était fortement dépendante du jeu et des alliances entre partis politiques source d’instabilité institutionnelle. Le règne des partis s’exerçait contre l’intérêt général, qu’un gouvernement fragilisé par leur inconstance et leur calcul à court terme, ne pouvait rechercher et atteindre pleinement.

Car en effet, la république moderne a en commun avec la république antique la recherche de l’intérêt général. C’est le second principe répu-blicain. Pour ce faire, l’État républicain doit s’attacher à unifier la nation autour de valeurs communes et à ne pas faire de discrimination entre ses citoyens. D’où la création en France d’un vaste service public, gage d’égalité, d’impartialité et de neutralité. La République est « indivisible » ; elle est « une », vectrice d’unité et d’égalité. C’est à l’État central de fabriquer de l’unité à partir du multiple. C’est en partie pourquoi la France est un pays si centralisé. La centralisation française découle de ce principe, c’est-à-dire de la volonté étatique de préserver l’intérêt général. Aucun corps intermédiaire ne doit s’interposer entre les citoyens et l’État. Comme le souligne Pierre Rosanvallon, « La révolution n’a laissé debout que des individus face à l’État ». La loi Le Chapelier de 1791 qui abolit les corporations s’inscrit dans cette volonté de suppression des corps intermédiaires qui érigent leur intérêts particuliers contre l’intérêt général.

Dès lors, et c’est le troisième principe républicain, l’école se voit assigner la tâche d’éduquer les individus-citoyens, « d’élever les âmes au niveau de la constitution » comme disait Mirabeau. Sans éducation, point d’égalité réelle. L’école de la république, fidèle à l’esprit rationaliste des Lumières, est l’institution majeure qui prépare les citoyens à l’exercice de la démocratie et qui favorise la promotion sociale, quatrième valeur républicaine forte. La promotion sociale c’est la possibilité que doivent avoir les enfants de dépasser leurs parents dans la hiérarchie sociale. La république est un cadre politique et social qui doit garantir l’égalité des chances. C’est l’école qui offre cette possibilité à chacun en transcendant les inégalités dues à la naissance.

Enfin, le cinquième pilier de la république est la laïcité. La république française est laïque, c’est-à-dire qu’elle instaure la séparation du théologique et du politique. D’une part, Église et État sont séparés et d’autre part l’État est neutre à l’égard des différentes religions qui sont tolérées au sein de la république. La neutralité n’est pas une molle indifférence mais la reconnaissance et le respect de toutes les grandes croyances sans chercher à en imposer aucune. La séparation entre Dieu et César doit dans ce cadre être complètement étanche et les deux sphères ne pas s’influencer ou s’interpénétrer. Ces valeurs républicaines sont en théorie différentes des valeurs sur lesquelles repose la démocratie.

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